Quelle place pour le médecin généraliste dans la prise en charge des troubles bipolaires juvéniles

Éléna Picq, médecin généraliste.
Après des études de médecine à la faculté de Saint-Étienne, Éléna Picq fait son internat à l’hôpital de Saint-Pierre sur l’île de La Réunion où elle décide de s’installer. Elle y ouvre son cabinet en mai 2012.

Le nombre de pédopsychiatres a été divisé par deux en 10 ans. L’hôpital public est au bord de l’implosion… Encore davantage fragilisés par la crise sanitaire, de nombreux hôpitaux en France ne prennent même plus sur liste d’attente les enfants qui dépendent de leur sectorisation ! Pourtant le recours aux urgences pour troubles de l’humeur pour les enfants de moins de 15 ans a augmenté de 40% fin 2020 (source : tweet Adrien Taquet du 26 juillet 2020).
 L’équation est donc insoluble ! A moins que ceux qui sont en première ligne comme les médecins généralistes ou les pédiatres se saisissent du problème. Si les parents parviennent à se renseigner et à devenir expert du trouble de leur enfant, un médecin peut aussi le faire.  Il peut aller bien au-delà d’une simple sensibilisation avec redirection vers des confrères spécialisés qui ne prendront probablement plus de nouveaux patients ou dont la liste d’attente sera de plusieurs mois voire années ! Contrairement aux idées reçues, la pose d’un diagnostic de cyclothymie chez l’enfant et la mise en place d’une prise en charge nécessitent rarement une hospitalisation d’autant plus lorsque la prise en charge est précoce et ne se complique pas de nombreuses comorbidités. En tant que médecin généraliste ou pédiatre de ville vous avez les qualifications pour faire de la pédopsychiatrie. Certes cela va vous prendre du temps : du temps de formation, de réflexion et de consultation, mais ce sera du temps de gagné pour les prochaines consultations et une telle satisfaction pour vous d’aider un enfant et une famille. Vous serez probablement surpris de l’efficacité de la prise en charge.
 Notre premier conseil, c’est de croire les parents qui viendront à vous. Ne les obligez pas à filmer leurs enfants en crise. Écoutez-les et aidez-les à soigner leur enfant. Comme les parents, nous avons conscience que vous palliez à la défaillance du système de santé mais les enfants ont besoin de vous ! Éléna Picq, médecin généraliste vous explique ici le b. a.-ba pour vous lancer !
Parents, votre médecin de famille est votre premier allié, souvent il vous suit depuis longtemps et vous lui faites confiance. C’est aussi lui qui connaît le mieux votre famille et votre histoire médicale, n’hésitez pas à le solliciter ! 

Je suis médecin généraliste et je suis aussi maman de 3 enfants dont un enfant de 11 ans qui a un diagnostic de trouble bipolaire depuis février 2021. 

J’ai écrit cet article pour essayer d’aider les parents et les médecins généralistes qui voudraient prendre en charge des enfants avec des troubles bipolaires. 

Je propose donc ici des outils pour mes confrères. Je partage mon expérience personnelle en tant que maman et mon expérience en tant que médecin généraliste qui prend en charge des patients bipolaires enfants ou adultes. Je partage aussi les connaissances théoriques que j’ai pu acquérir en lisant des livres, articles ou sites internet. 

Avant de commencer la lecture de cet article, je voulais préciser que celui-ci n’engage que moi et donc n’est pas une synthèse de recommandations officielles. 

Le rôle du médecin généraliste

De manière générale, le médecin généraliste est un médecin dit de premier recours. C’est-à-dire que les patients sont sensés le consulter en premier, quel que soit le problème de santé qu’ils rencontrent. Dans l’immense majorité des cas, le médecin généraliste est compétent pour traiter ses patients : il les interroge, les examine, prescrit des examens complémentaires, prescrit les traitements, médicamenteux ou non. Quand il n’arrive pas à soigner son patient parce qu’il n’a pas les connaissances requises, il demande l’avis d’un confrère spécialiste en faisant un courrier. Le médecin spécialiste traite le patient et s’il n’y arrive pas, il adresse le patient à un centre expert.

En tant que médecins généralistes notre rôle n’est pas de prendre en charge des pathologies sévères qui nécessitent qu’un patient soit poly-médicamenté, encore moins en pédiatrie. Cependant, nous avons largement les compétences pour prendre en charge les formes légères ou modérées de la maladie bipolaire.

Les médecins (généralistes ou spécialistes) passent leur temps à se former ou à approfondir leurs connaissances dans les différentes spécialités médicales. Si votre médecin généraliste est intéressé par le trouble bipolaire de l’enfant, il peut se documenter par lui-même et devenir alors suffisamment compétent pour prescrire un régulateur de l’humeur puisque la loi ne l’interdit pas. Toutes les informations concernant la prescription d’un médicament sont notées dans le Vidal et les médecins généralistes ont le même Vidal que les spécialistes (il existe toutefois une exception pour le valproate chez les filles et le méthylphénidate, qui ne peuvent être prescrits que par des spécialistes).

Ainsi vous pouvez parfaitement demander à votre médecin généraliste de vous aider pour la prise en charge de votre enfant bipolaire. Il pourra ajuster les traitements en cas d’effets indésirables et appeler lui-même le psychiatre s’il considère que l’avis de ce dernier est urgent. Il peut aussi assurer le suivi global de l’enfant : poids/taille/ auscultation cardiaque…

Le médecin généraliste peut aussi remplir le certificat médical demandé par la MDPH. La reconnaissance par la MDPH du handicap de l’enfant permet de bénéficier d’aide humaine (AESH) ou financière pour la prise en charge globale de l’enfant (frais de garde, frais de psychothérapie…). Le médecin doit décrire les symptômes de l’enfant. Même sans diagnostic il est possible d’avoir une reconnaissance. Le médecin peut spécifier qu’un avis spécialisé est demandé et que la famille est dans l’attente d’un diagnostic, mais que le handicap de l’enfant est réel.

 

Un petit point d’épidémiologie afin d’appréhender l’ampleur du problème :

En France, la prévalence (c’est-à-dire le nombre total de patients à un moment donné) du trouble bipolaire est estimée autour de 1 à 2,5 % dans les études en population générale. Cette prévalence est très certainement largement sous-évaluée.

Si l’un des parents souffre d’un trouble bipolaire, le risque qu’un des enfants en soit atteint est d’environ 20 %. Si le père et la mère ont chacun un trouble bipolaire, ce risque monte à 50–60 %.

Le trouble bipolaire est une maladie grave : 1500 décès par an par suicide. A cela, il convient d’ajouter les décès par accident (les patients bipolaires en phase maniaque y sont plus exposés) ainsi que l’aggravation du pronostic d’autres maladies (en cas de comorbidité) et les accidents iatrogènes (L’accident iatrogène désigne l’effet indésirable d’un médicament qui met en danger la vie du patient). Les patients bipolaires souffrent aussi plus souvent d’addictions.

Quels enfants prendre en charge ?

Je pense qu’il y a trois situations types où le médecin généraliste peut être amené à prendre en charge un enfant bipolaire :

La 1ère, c’est un enfant qui présente des symptômes de trouble bipolaire. La 2ème est un enfant chez qui les parents suspectent un trouble bipolaire : soit parce qu’il y a des membres de la famille qui souffrent de bipolarité, soit parce qu’ils se sont documentés. Enfin la 3ème est un enfant déjà suivi en psychiatrie mais dont l’état de santé ne s’améliore pas. Le médecin traitant est alors un relai essentiel pour discuter avec le médecin spécialiste du diagnostic et du traitement. 

 
La difficulté de la prise en charge du trouble

Le retard diagnostic :

Il peut s’écouler de 8 à 10 ans entre le premier épisode thymique majeur (dépressif, hypomaniaque, maniaque ou mixte) et le diagnostic correct de troubles bipolaires associé à la prescription d’un régulateur de l’humeur. Ainsi certains psychiatres attendent de « voir » de leurs propres yeux soit un épisode maniaque, soit plusieurs épisodes dépressifs. Ils négligent alors la recherche à l’interrogatoire des antécédents thymiques des patients. C’est un peu comme si un patient se présentait dans un cabinet de médecin en disant que la veille, il a présenté un déficit moteur du côté gauche pendant 30 minutes et que le médecin le renvoie chez lui parce que l’examen est normal au cabinet ! Un accident ischémique transitoire (AIT) est une urgence neuro-vasculaire au même titre que l’accident vasculaire cérébral (AVC) et on ne va pas attendre l’hémiplégie constituée pour prendre en charge ce patient…

Chez l’enfant le retard diagnostic est aussi dû à une présentation clinique qui ne ressemble pas totalement au trouble bipolaire de l’adulte. Cependant, d’après Hättenschwiler et al. en 2009, la maladie bipolaire commence avant la 20e année chez 40 % à 60 % des patients, et même avant la 12e année chez 10 % à 20 % des patients. En moyenne, les premiers symptômes se manifestent à 15 ans environ. La pose du diagnostic est souvent compliquée chez les adolescents du fait que leurs variations d’humeur sont considérées comme normales à la puberté.

 

Collage : Solange Gautier - Copyright - Aimablement prêté à Association Bicycle. https://solange-gautier.photoshelter.com/index

C’est le regard des autres qui transforme les diagnostics en étiquettes,
par méconnaissance du trouble.

Le trouble bipolaire chez l’enfant n’est pas impossible à prendre en charge. La difficulté est plutôt dans la méconnaissance du trouble chez les professionnels plutôt que dans son incurabilité. De plus, certains pédopsychiatres ou psychiatres ont une approche plus psychanalytique et d’autres une approche plus neurocognitive. D’ailleurs, une psychiatre m’a dit récemment à propos d’une de mes patientes adultes : «vous pourrez trouver un psychiatre qui dira qu’elle est bipolaire et un autre psychiatre qui vous dira qu’elle n’est pas bipolaire, ça dépend de sa formation et de sa sensibilité». Prenons l’exemple d’un enfant qui a un trouble du comportement et une mère dépressive. On peut dire que cet enfant est agité, parce que sa mère s’occupe mal de lui. Sa mère serait donc responsable du comportement de l’enfant par sa mauvaise éducation. On peut aussi dire que l’enfant est agité parce qu’il présente un trouble bipolaire génétiquement transmis par sa mère. 

La bonne voie est celle qui amène à une amélioration de l’état de santé du patient. Une voie n’exclue pas forcément l’autre. Il appartient à chaque médecin de garder un point de vue critique sur sa prise en charge. Il faut savoir aussi demander conseil à des confrères en cas d’impasse.

C’est aussi surtout et à cause de ce problème de «sensibilité» que le rôle du médecin généraliste est primordial car certains enfants n’auront pas de diagnostic et donc pas de traitement. De plus certains soignants considèrent que l’enfant a un cerveau en formation et qu’il faut donc attendre avant de poser un diagnostic («étiquette» diront certains). Mais pendant ce temps d’attente, l’enfant et sa famille souffrent et la maladie de l’enfant s’aggrave. 

Dans ces cas-là, le médecin généraliste peut et doit prendre l’enfant en charge.

Et voilà le mot «étiquette» arrive dans la discussion. Ce mot, on le lit souvent dans les commentaires « facebook ». Je tiens à rappeler qu’un diagnostic n’est pas une étiquette, un diagnostic c’est le début d’une prise en charge adaptée. Comment soigner un patient si on ne connait pas son diagnostic ? Si vous avez un patient avec une glycémie à jeun à 2g/l, il va bien falloir lui dire qu’il a un diabète. Ce n’est pas une étiquette, c’est un diagnostic. C’est le regard des autres qui transforme les diagnostics en étiquettes, par méconnaissance du trouble. Les médecins ne mettent pas des étiquettes, ils soignent les patients avec empathie et respect.

Quand suspecter un trouble bipolaire ?

Vous avez un petit patient qui a un trouble du comportement avec des colères violentes, ou un petit patient avec des idées morbides, ou qui a une réduction du temps de sommeil sans fatigue, ou une hypersexualité inadaptée pour son âge, ou un petit patient qui a déjà un diagnostic de haut potentiel (HP) ou du trouble du spectre de l’autisme (TSA) ou du trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), mais la prise en charge n’est pas efficace. Dans toutes ces situations il faut envisager un trouble bipolaire.

Plus il y a de symptômes, plus la probabilité d’un trouble bipolaire est grande.

Le diagnostic de bipolarité est aussi à suspecter si l’enfant a déjà le diagnostic d’un trouble (TSA, HP ou TDAH) mais ce trouble est qualifié de «sévère» ou «atypique» ou «résistant au méthylphénidate», ou «avec un effet rebond au méthylphénidate» ou «compliqué de trouble oppositionnel avec provocation (TOP) et/ou trouble obsessionnel-compulsif (TOC) et/ou trouble anxieux, et/ou phobies et/ou attaque de panique». Pour résumer, plus il y a de symptômes, plus la probabilité d’un trouble bipolaire est grande.

Il se peut aussi que vous ayez un patient dont un membre de la fratrie a un diagnostic de trouble bipolaire et vous suspectez ce même trouble chez votre patient, même si le trouble semble moins sévère. Par exemple un enfant est suivi pour TDAH+TOP+TOC et les parents vous emmènent son grand frère qui fait une «crise d’adolescence» : celui-ci reste au lit la journée, n’a plus goût à rien… Il présente parfois des crises de colères et devient très irritable, tout est nul et tout l’ennuie (phase basse puis état mixte).

Comment confirmer votre diagnostic ?

1/ Rechercher les antécédents familiaux de troubles de l’humeur, diagnostiqués ou non (tentative de suicide dans la famille, addictions, personnes lunatiques, colériques, dépressives…).

2/ Les diagnostics psychiatriques se font selon le DSM V. Des questionnaires peuvent permettre de faire préciser les troubles, les symptômes et les idées de l’enfant car les items du DSM sont assez flous et il peut être difficile de faire le lien entre les plaintes des parents et les critères du DSM V. Les enfants présentent le plus souvent un trouble bipolaire de type cyclothymique. 

3/ On peut aussi utiliser des questionnaires spécifiques aux enfants :

– Check-list de la bipolarité juvénile (Hantouche).

– Inventaire de la dépression chez l’enfant (Kovaks & Beck).

– ADRS-Échelle de repérage de la dépression de l’adolescent 

   (Revah-Levy, Birmahaer, Gasquet, Falissard).

– CBQ-Child bipolar questionnaire (Papolos).

– Échelle de la manie chez l’enfant (Version française Kochman).

– Auto-questionnaire de la cyclothymie chez l’adolescent (Akiskal, Hantouche).

4/ Les diagnostics différentiels peuvent être aussi des diagnostics comorbides. D’ailleurs, la cyclothymie est souvent compliquée par d’autres troubles, par exemple cyclothymie et TDAH sont très fréquents chez les garçons. Dans ces cas-là, le trouble bipolaire est à prendre en charge en premier.

 

Les Traitements du trouble bipolaire
 

1/ Traitement psychothérapeutique

– La psychoéducation : pour les parents et pour l’enfant en âge de comprendre, la psychoéducation c’est apprendre ce qu’est la maladie, comment elle fonctionne, comment reconnaître un début de phase maniaque ou dépressive et comment faire en sorte de les stopper.

C’est l’adaptation de l’éducation à l’enfant 
qui va être la base de l’amélioration des symptômes.

Pour les parents c’est apprendre à éduquer un enfant particulier. L’enfant n’est pas malade à cause de leur éducation qui serait mauvaise, mais c’est l’adaptation de l’éducation à l’enfant qui va être la base de l’amélioration des symptômes.  La clé : mettre des mots sur les émotions et les chercher derrière le trouble du comportement. L’enfant crie et se met en colère parce que le parent lui demande d’aller se laver les dents ! Le problème n’est pas le lavage des dents. Il faut savoir pourquoi : le dentifrice n’est pas à son goût, il «pique», la brosse à dent est trop dure, il a peur de frotter trop fort et de faire tomber ses dents, il a vu sur YouTube que des «méchants» mettaient des produits toxiques dans les dentifrices…

Par exemple : souvent mon fils rentre de l’école en colère. Rien ne va. Il râle, pince sa sœur, enchaîne les bêtises. Alors je cherche ce qui ne va pas : « Il y a un problème ? » « Comment je peux faire pour t’aider ? ». Bien souvent, lui-même n’arrive pas à mettre le doigt dessus et c’est souvent lors du coucher, quand il s’apaise qu’il me dit : « Tu sais à l’école, machin a dit que j’étais gros ». Maintenant, avec le traitement, l’intensité émotionnelle étant moins forte, il arrive à exprimer plus facilement le problème, dès son arrivée à la maison. Cela permet de chercher une solution et d’arrêter la crise de colère qui monte.

Pour s’auto-éduquer, on peut aussi s’appuyer sur plusieurs livres. Le premier est une bande dessinée qui s’appelle «Goupil ou face» de Lou Lubie (éd. Delcourt). L’autrice y raconte son trouble mais explique aussi ce qu’est la maladie. Il peut être lu par l’enfant ou l’adolescent lui-même, accompagné d’un adulte. Le 2ème livre que je conseille, c’est «Vivre heureux avec des hauts et des bas» du Dr Élie Hantouche et de Vincent Trybou (éd. Odile Jacob) qui explique de façon plus détaillée ce qu’est la maladie. La 2e partie du livre donne des conseils pratiques à mettre en place au quotidien pour garder son humeur stable. 

• La thérapie comportementale et cognitive (TCC) : c’est l’enfant qui travaille avec le psychologue. La TCC vise à modifier les comportements qui vont ensuite modifier le fonctionnement cognitif. Par exemple, mon fils a tendance à exploser quand on l’embête et à taper, c’est donc toujours lui qui se fait punir à l’école. Le psychologue m’a demandé de l’embêter à la maison, car quand c’est moi qui le fais, il se sent moins agressé et on peut donc travailler sur son comportement puisque l’intensité de son émotion est moins forte. Ainsi, quand il commence à se mette en colère, j’en rajoute un peu. Par exemple : il voulait se resservir et j’ai dit : « Attention Malo, je vais t’embêter et il va falloir te contrôler : ah non Malo, tu ne vas pas te resservir, tu as vu comme tu es gros déjà ! « Je lui touche le ventre (il n’aime pas ça), je frotte ses cheveux et j’en rajoute encore et encore et ensuite je le félicite d’avoir bien tenu et de ne pas s’être emporté. Avec mon fils, ce genre d’exercice n’est possible qu’avec le traitement.

Mon fils a aussi beaucoup d’angoisses et il a du mal à rester dans sa chambre car il voit des zombies. Il a 10 ans, mais est rassuré si sa sœur de 6 ans l’accompagne. Le psychologue lui a fait remarquer que si sa sœur de 6 ans, qui a beaucoup moins de muscles que lui, pouvait le protéger, alors, il pouvait se protéger tout seul. Maintenant, quand il a peur, je lui dis : « Vas-y Malo, protège-toi tout seul» ! J’avoue que ça ne fonctionne pas à tous les coups car il est vraiment très angoissé. Avant le traitement, il faisait des attaques de panique terribles où il se mettait à hurler et descendait les escaliers, affolé : j’ai souvent eu peur qu’il se fasse très mal.

Mon fils ne va pas aux séances de psychothérapie avec beaucoup de motivation. Cela fait un an qu’il prend le bon traitement, mais 6 ans qu’il voit des psychologues. Cependant, un soir, il faisait nuit, j’étais au fond du jardin et il est venu me rejoindre. Surprise je lui dis : « C’est bien Malo, tu n’as pas peur ? ». Il me répond : « Le psy c’est nul, mais c’est bien ».

2/ Traitements médicamenteux

Chez un enfant qui présente des troubles modérés, il est possible de mette en place une psychothérapie et d’envisager par la suite un traitement médicamenteux si la psychothérapie ne suffit pas. Chez un enfant qui présente des troubles sévères et qui passe de la colère aux idées noires, de l’euphorie au désespoir, alors il faudra mettre en place un traitement en même temps que la psychothérapie. Le cerveau de l’enfant ne sera pas réceptif aux conseils s’il est trop malade. Par exemple, quand mon fils avait des attaques de panique il me disait : « Maman, je sais que le zombie n’existe pas, mais je le vois entrer par la fenêtre, j’entends sa cape qui frotte le sol, je sens son souffle sur moi ». A ce stade, tant que l’intensité ressentie est si forte, les mots sont inutiles. On a besoin de médicaments qui baissent le seuil de déclenchement et l’intensité de la panique avant tout.

Il n’y a pas de posologie type dans les troubles bipolaires :
l’objectif étant de rester à la posologie minimum efficace.

Malheureusement actuellement aucune molécule n’a l’autorisation de mise sur le marché (AMM) en France pour la prise en charge au long cours du trouble bipolaire chez l’enfant. Cela est aussi vrai pour de nombreuses autres pathologies en pédiatrie. D’ailleurs selon le conseil de l’ordre des médecins, en 2018, la proportion des prescriptions hors AMM en pédiatrie hospitalo-universitaire est de 80%.

Voici les règles de la prescription hors AMM : il est possible de prescrire une molécule hors AMM s’il n’existe pas de molécule équivalente pour traiter le patient. 

Chez l’adulte, la seule molécule qui ait montré une diminution de la mortalité liée au suicide chez les patients bipolaires est le lithium. Le valproate est indiqué en 2e intention (contre-indication chez les femmes en âge de procréer sans contraception efficace).

La lamotrigine est indiquée dans les troubles bipolaires de type 2 ou les cyclothymies plus dépressives.

L’avantage du valproate et de la lamotrigine est qu’ils ont l’AMM chez les enfants à partir de 2 ans dans l’épilepsie. Ainsi, même si l’indication est différente, les posologies, les effets indésirables et la surveillance clinico-biologique sont les mêmes. Parmi les antiépileptiques, le valproate est le plus efficace. Il existe sous forme de sachet de poudre à disperser sur une cuillère de compote ou de yaourt. 

Comme tous les médicaments le valproate peut avoir des effets indésirables, la revue «Prescrire» indique qu’une partie de ses effets indésirables seraient expliqués par le fait qu’il aurait un effet perturbateur endocrinien (exemple : prise de poids). Malgrè cela cette même revue le préconise en première intention dans l’épilepsie où il garde une balance bénéfices/risques favorable.

Le lithium est déconseillé, mais pas contre-indiqué, chez l’enfant de moins de 16 ans. Des études ont cependant été faites avec des prescriptions de lithium chez des enfants à partir de 5 ans. Le lithium était d’ailleurs la molécule de référence dans l’agressivité chez l’enfant avant l’arrivée des neuroleptiques. Il semble plus efficace que le risperidone (nom commercial : Risperdal). Son inconvénient est qu’il nécessite des bilans sanguins fréquents. Cependant, comme les autres molécules, il peut être efficace à petites doses, et cela permet d’être loin des doses toxiques. Classiquement, les objectifs de lithémie sont entre 0,5 et 0,8 mmol/L, 12h après la prise du dernier comprimé de lithium à libération immédiate. Cependant, à l’association, plusieurs enfants ont été améliorés avec des lithémies inférieures. 

Il me semble que le lithium soit une molécule trop peu utilisée chez l’enfant. J’ai récemment demandé à la revue «Prescrire» s’il lui était possible de faire un point sur les différentes études qui existent à ce sujet. Il existe cependant des articles de synthèse. La dernière que j’ai trouvée date de 2018 : Using Lithium in Children and Adolescents with Bipolar Disorder: Efficacy, Tolerability, and Practical Considerations B. Grant, J. A. Salpekar  Springer International Publishing AG, part of Springer Nature 2018.  Dans cet article, les auteurs font une synthèse des publications des 10 dernières années. Dans le trouble bipolaire de type 1, en cas de manie aigüe ou d’états mixtes, les auteurs recommandent de débuter le lithium à 300 mg par jour pour les enfants de moins de 30 kg et 300 mg deux fois par jour pour les enfants de plus de 30 kg (sauf chez les enfants obèses). Dans les cas moins sévères, ils proposent de débuter à 10mg/kg/j. En pratique, ambulatoire, il parait plus judicieux de débuter avec une dose inférieure, par exemple, 125 mg le soir, puis 125, matin et soir et augmenter ainsi de suite, selon l’efficacité et la tolérance du traitement. J’ai peu d’expérience, mais mes patients adultes décrivent un début d’amélioration au bout de 4 jours. Chez mon fils, à chaque fois qu’on augmentait la dose, on avait une efficacité au bout de quelques jours aussi. L’efficacité se remarque par un effet de butée, comme si, alors que la colère monte, elle se retrouve bloquée à un certain seuil et redescend.

Les effets indésirables du lithium sont une rare hypothyroïdie. Les insuffisances rénales sont devenues exceptionnelles chez l’adulte depuis les années 1970 car les doses recommandées ont été abaissées. Les études chez l’enfant n’ont pas retrouvé d’atteinte rénale. Le lithium reste délicat à manier car la différence entre la dose thérapeutique maximale et la dose toxique est étroite. Ainsi sa prescription nécessite des contrôles sanguins réguliers.

Les neuroleptiques atypiques peuvent aussi être utilisés dans l’épisode maniaque. Cependant, sur le long terme, ils semblent moins efficaces. Ils sont souvent mis en place au début du traitement car leur délai d’action est plus rapide. On peut donc prescrire chez un enfant violent ou qui a des idées noires, d’emblée lithium + risperidone ou valproate + risperidone. L’aripiprazole (nom commercial : Abilify) est un neuroleptique de plus en plus utilisé. Il a l’AMM dans l’épisode maniaque de l’adolescent de plus de 13 ans. L’inconvénient des neuroleptiques en plus de leur faible efficacité sur le long terme et leurs effets indésirables métaboliques (prise de poids, augmentation des lipides et de la glycémie).

Quelle que soit la molécule, il n’y a pas de posologie type dans les troubles bipolaires : l’objectif étant de rester à la posologie minimum efficace. De plus les améliorations peuvent se poursuivre pendant plusieurs mois. Si l’enfant ne présente plus de critères de gravité et s’il y a des améliorations, il vaut mieux rester à la même posologie.

Pour finir, même si un enfant n’a pas de diagnostic, s’il présente des angoisses sévères, des idées suicidaires, une agitation et une agressivité qui mettent sa scolarité en danger, si cet enfant et sa famille ne trouvent pas d’aide auprès des services normalement compétents, la prescription d’un neuroleptique comme l’halopéridol (2 gouttes pour 35 kg environ) ou le risperidone peuvent être très utiles (0,5 mg). Il est judicieux de débuter les posologies au minimum possible car les enfants bipolaires sont souvent très sensibles aux médicaments. Cela permettra à l’enfant de retrouver un peu de sérénité en attendant que les parents trouvent un médecin spécialiste qui puissent les aider.

Si l’amélioration est mitigée alors la prescription n’est pas adaptée.

Bien entendu, il n’est pas question de jouer aux apprentis sorciers, mais il y a suffisamment de données disponibles sur des sites sérieux et dans la littérature pour pouvoir proposer des traitements à des enfants qui en ont besoin, tout en respectant leur sécurité. La prescription d’un médicament est le fruit d’une réflexion sur la balance bénéfices/risques. Il n’y a aucune étude de qualité montrant le bénéfice de tels traitements chez l’enfant sur le long terme : je propose aux parents de poursuivre le traitement seulement s’ils constatent une nette amélioration. Si l’amélioration est mitigée alors la prescription n’est pas adaptée. Ainsi, des parents ont noté une amélioration du comportement de leur enfant, mais ils n’étaient pas sûr que cela était grâce au médicament.  A deux reprises, ils ont arrêté le valproate mais ils l’ont repris à chaque fois, car le changement du comportement de l’enfant était net. Une autre maman a vu sa fille devenir de nouveau ingérable alors qu’elle n’avait pas pris son traitement pendant 4 jours à cause d’une gastro-entérite.

Enfin, la base de la régulation de l’humeur étant le sommeil, la mélatonine aide a l’endormissement et diminue le nombre de réveils la nuit. La mélatonine (nom commercial : Slenyto) à l’AMM à partir de 2 ans dans les troubles du sommeil chez les enfants autistes. Il fonctionne aussi très bien chez les enfants bipolaires. Mon fils n’arrivait jamais à se coucher, j’ai dormi longtemps sur un matelas devant la porte de sa chambre. Parfois, je l’entendais encore se tortiller alors que je m’endormais. Avec la mélatonine, il s’endort plus rapidement et prend plaisir à aller se coucher. Au début du traitement il m’a dit en fermant les yeux et en se lovant sous sa couette : «  Ça fait du bien d’avoir sommeil », comme s’il n’avait jamais eu cette sensation.

Exemple de prises en charge simples et efficaces en médecine générale

Ce petit patient de 10 ans a des troubles du comportement depuis la moyenne section. Il a été vu une fois au CMPP et est suivi par une orthophoniste. Dans ses bilans, l’orthophoniste souligne un grand problème de gestion des émotions. Il a eu des bilans par une psychologue et une psychomotricienne. La neuropédiatre avait évoqué un TDAH mais sans beaucoup de conviction. J’ai parlé à la maman du trouble bipolaire et je lui ai parlé de la micropakine. Je lui ai expliqué qu’il était possible que d’autres médecins de son fils rejettent mon diagnostic et mon traitement. Je lui ai proposé d’aller sur le site de https://www.bicycle-asso.org afin qu’elle me dise si cela pouvait correspondre à son fils. La maman est revenue en consultation la semaine suivante en me disant qu’elle était sûre que son fils avait cette maladie. Ensuite, elle m’a demandé si ça existait aussi chez les adultes car elle-même se retrouvait dans la cyclothymie. Actuellement, la mère et le fils sont sous valproate depuis avril 2021 et en sont satisfaits.  L’enfant est rentré en CM1 en septembre 2021 et la maman m’a dit que c’est la première fois qu’elle n’est pas convoquée par l’enseignant dès les 2 premières semaines de classe. Il a débuté le basket et y va 2 fois par semaine depuis septembre. Il fait même les compétitions le week-end. Il gère avec courage ses frustrations. Je le sais car il fait du basket avec mon fils ! 
Cet enfant a une cyclothymie modérée et prend actuellement 350mg de micropakine pour 48 kg, ce qui est une toute petite posologie. 

Un jeune garçon de 11 ans vient avec sa mère qui prend du lamictal depuis 3 mois, pour des syndromes anxio-dépressifs récurrents. Elle se demande si son fils n’a pas la même maladie qu’elle. L’enfant a été suivi par le CMPEA quand il était au primaire. Le suivi a été arrêté sans que l’enfant aille beaucoup mieux. Il a des phases d’hyperactivité où il bouge beaucoup et dérange la classe. En primaire, il faisait des colères et jetait des objets y compris à l’école. Il a des angoisses : il dort sur le canapé car il a peur dans sa chambre, il n’aime pas prendre la voiture sur les autoroutes car cela va trop vite et il a peur d’avoir un accident. Il a peur de déclencher lui-même un accident. Il n’arrive pas à traverser une rue tout seul, car il entend les voitures qui accélèrent dès qu’il s’approche d’un passage piéton. J’ai prescrit du lamictal selon les posologies notées dans le vidal pour l’épilepsie chez l’enfant. Il fait 64 kg IMC=24, j’ai débuté à 15mg pendant 2 semaines, puis 25 mg et au bout de 3 semaines de traitement il a demandé à sa mère de rentrer seul du collège. La première fois, il n’a pas réussi : il a fait plein de détours pour éviter les endroits qui l’angoissaient mais n’a pas réussi à traverser une rue. Il a appelé sa mère qui est venu le chercher. Il a voulu essayer de nouveau le lendemain, et cette fois-ci, il a réussi. Devant l’amélioration à 25mg, j’ai décidé de rester à 25mg pendant encore un mois. J’ai fait une demande à la MDPH pour que la mère puisse bénéficier de l’allocation de l’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et qu’il puisse avoir des séances de psychothérapie afin qu’il apprenne à gérer ses angoisses. J’ai bien conscience que tout n’est pas réglé, mais l’amélioration est quand même évidente.

J’espère, grâce à cet article, participer à diffuser une meilleure connaissance de la bipolarité chez l’enfant tant au niveau du grand public que parmi mes confrères. Le but ultime est de participer à la meilleure prise en charge des jeunes patients et de diminuer la souffrance de nombreuses familles confrontées à cette pathologie encore trop souvent méconnue.

Outils pour aller plus loin :

Sources

www.ctah.eu

www.depression-bipolarite-pratique.com

HAS 2014 troubles bipolaires repérage et diagnostic en premier recours-note de cadrage 2014

Conseil de l’ordre des médecins : fiche_memo_prescription_et_delivrance_hors_amm

L’agressivité en clinique : de l’étiopathologie à la chimiothérapie. Sylvane Lyasse-Sanchez

cf. thèse : L’agressivité en clinique : de l ’étiopathologie à la chimiothérapie. 2002 – Sylvane Lyasse-Sanchez

Pharmaceuticals 2010, 3, 2986-3004; doi:10.3390/ph3092986pharmaceuticalsISSN 1424-8247www.mdpi.com/journal/pharmaceuticals 

Review The Use of Antiepileptic Drugs (AEDs) for the Treatment of Pediatric Aggression and Mood Disorders Kaizad R. Munshi 1,*, Tanya Oken 1, Danielle J. Guild 1, Harsh K. Trivedi 2, Betty C. Wang 3,Peter Ducharme 1 and Joseph Gonzalez-Heydrich 

Safety of 80 antidepressants, antipsychotics, anti-attention-deficit/ hyperactivity medications and mood stabilizers in children and adolescents with psychiatric disorders: a large scale systematic meta-review of 78 adverse effects  (World Psychiatry 2020;19:214–232) 

LITHIUM IN CHILDREN AND ADOLESCENTS.  2001 Psychopharmacology Notes 

Disorder: Efficacy, Tolerability, and Practical Considerations B. Grant1• J. A. Salpekar1  Springer International Publishing AG, part of Springer Nature 2018

The Use of Antiepileptic Drugs (AEDs) for the Treatment of Pediatric Aggression and Mood Disorders. Pharmaceuticals 2010, 3, 2986-3004; doi:10.3390/ph3092986

La revue Prescrire : 

    – 2006 Risperdal._Risperdaloro._Troubles_du_comportement_chez_les_enfants_avec_retard_mental_ou_autisme_ _pas_de_progres

    – 2008: methylphenidate_ _troubles_psychotiques_et_maniaques_etoffes_dans_les_RCP

    – 2010 troubles_bipolaires_ _lithium_d’abord

      2011 savoir_gerer_un_traitement_par_le_lithium

    -2013 frequence_des_effets_indesirables_du_lithium

    -avril 2017 : dissimulation_du_risque_de_suicide_ _acces_aux_donnees_brutes_d’un_essai_de_la_paroxetine

    – janvier 2021: acide valproïque, perturbateur endocrinien.

Conférence S’ouvrir à la différence invisible

Une rencontre entre Laëtitia Payen et Baptiste Beaulieu, à l’occasion du Printemps du livre de Montaigu, pour leurs derniers ouvrages.

Baptiste Beaulieu est romancier, médecin et chroniqueur sur France Inter dans “Grand bien vous fasse”. Il est un formidable conteur d’humanité et l’auteur de plusieurs best-sellers.

Laëtitia Payen est présidente de l’association Bicycle.

Animée par Christelle Capo Chichi.

C’est à revoir par ici :

Comprendre la bipolarité juvénile

Un article de La Maison des maternelles – France 2

Caline Majdalani, psychologue clinicienne au Centre des Troubles Anxieux et de l’Humeur à Paris, spécialisée dans la prise en charge de la cyclothymie chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte répond à nos questions.
LMDM – On parle – selon les experts – soit de « cyclothymie » soit de « bipolarité juvénile ». Quel que soit le terme employé, quels sont les principaux symptômes qui doivent alerter les parents ?

Caline Majdalani : Déjà, c’est souvent un ensemble de signes qui alertent, pas un signe isolé. Ce qui ressort principalement :

  • Les soucis émotionnels : les crises de colères extrêmes, qui durent plus de 30 minutes et sont difficiles à gérer, canaliser, qui prennent des dimensions violentes, dans des déferlements très difficiles. Ce n’est pas du tout la petite frustration du quotidien de tous les parents. On parle « d’orage émotionnel » : on n’arrive pas à contenir l’enfant. Ce n’est pas une question d’éducation, ou des parents qui n’arrivent pas à poser de limite.
  • Les variations d’humeur, qu’on peut voir de manière ponctuelle, mais aussi des dépressions : l’enfant est triste, il s’isole, il est grincheux, irritable, est collé aux écrans, ne veut pas participer à la vie de tous les jours.
  • Il peut y avoir des périodes d’excitabilité, c’est rare chez les enfants mais ça peut exister : l’enfant devient une vraie pile électrique, il a plein d’idées…
  • C’est l’ensemble de signes qui vont faire penser à une bipolarité, mais aussi la fréquence et l’intensité : à quel point on le vit au quotidien ? Chez les enfants, ce sont plutôt des micro-phases, ce n’est pas forcement très visible au quotidien. Le cerveau de l’enfant est encore trop immature à manifester tel que chez les adultes. C’est pour cela qu’on parle plutôt de cyclothymie chez les enfants plutôt que de bipolarité au sens de l’adulte.
Pourquoi certains pédopsychiatres sont aussi réticents à poser un diagnostic sur un enfant de moins de 15 ans quand tous les symptômes sont réunis depuis plusieurs années ?

Effectivement tous les experts ne sont pas d’accord. Tout dépend du référentiel théorique auquel on se réfère pour faire un diagnostic. Si c’est le référentiel classique alors vous ne pouvez pas poser un diagnostic de bipolarité juvénile. Si vous avez un référentiel différent, plus évolué, qui tient compte de manifestations moins classiques, vous pouvez diagnostiquer. Pourquoi ? Parce que les symptômes de la bipolarité ne sont pas les mêmes chez l’adulte et chez l’enfant. Si pour rechercher de la bipolarité juvénile on applique au sens strict le diagnostic de la bipolarité chez l’adulte alors on peut passer à côté de beaucoup de choses. Chez l’adulte, on décrit des phases très nettes et plus ou moins longues qui rompent avec le fonctionnement habituel : des symptômes dépressifs pendant un certain temps, et puis à d’autres moments de l’euphorie par exemple. Le cerveau immature de l’enfant n’est pas capable d’avoir des épisodes francs comme ça. La bipolarité juvénile ressemble plus à de la cyclothymie adulte c’est-à-dire des micro-phases en permanence, dues à une instabilité émotionnelle de nature.

Quand on a un diagnostic de bipolarité juvénile, est-ce que la prise de traitement est systématique ? Et si c’est le cas, est-ce que nos enfants vont devoir prendre des traitements toute leur vie ?

Non, ce n’est pas systématique. On fait tout notre possible pour éviter ou – si ce n’est pas possible – retarder au maximum la prise de médicaments. Pour cela on accompagne les enfants (dans la régulation de leurs émotions) ET les parents (dans la gestion de l’enfant et ses colères) en thérapie. Tout ça avec un thérapeute qui comprend les parents : c’est primordial. Si vous allez voir un psy et que vous vous sentez jugés, c’est que ce n’est pas la bonne personne et qu’il/elle n’est pas sensibilisé(e) au sujet. Après pour la médication, il faut toujours peser la balance bénéfice/risque : personne n’aime les traitements, mais la question est « que peut-on faire pour que l’enfant se développe au mieux avec le moins de conséquences possibles ? ». La bonne nouvelle est que les traitements ne sont pas toujours à vie. C’est au long cours oui, mais tout va dépendre de chaque personne : le traitement est donné le temps que l’équilibre soit atteint que – pendant cette accalmie – l’enfant puisse faire ses apprentissages (réguler ses émotions, travailler ses compétences relationnelles…).

Caline Majdalani a co-écrit les livres « Cyclothymie – Troubles bipolaires des enfants et adolescents au quotidien » et « J’apprends à gérer ma cyclothymie » aux Éditions Josette Lyon.

La rédaction de La Maison des Maternelles

Livre : Mon enfant cyclone, le tabou des enfants bipolaires

« Le pire, c’était le sentiment d’être pris au piège. La nounou n’en pouvait plus, les amis n’en pouvaient plus, nos parents n’en pouvaient plus, sa sœur n’en pouvait plus. Nous vivions en prison, avec “un monstre”. On se disait bien qu’il y avait une explication. Mais laquelle ? En attendant, on subissait. Les conseils, on les avait tous suivis. Rien n’avait de prise sur Stan. Il n’avait que cinq ans. Il nous détruisait et semblait très malheureux. »

Ce récit est le cri d’une mère qui s’est battue pour son fils, et une sonnette d’alarme pour forcer les pouvoirs publics à replacer au cœur du débat la question des pathologies psychiatriques des enfants.
À tous les parents désemparés qui ont tout essayé, qui ont cherché, consulté, sans trouver de solution, ce livre est pour vous. Il ne donne pas un diagnostic mais une piste à creuser, trop souvent exclue d’emblée en France : et si mon enfant était bipolaire ?
 
“C’est avec beaucoup d’émotions que j’ai le plaisir de vous annoncer la sortie de mon livre aujourd’hui.

A tous les parents de cyclokids sans oublier la fratrie pour que ce livre puisse vous guider pour moins de souffrance.

A tous les cyclokids pour bien dompter son monstre et reprendre le pouvoir sur sa vie.
A tous les professionnels de santé pour oser le diagnostic précoce et pour qu’il ne soit plus jamais « trop tard ».
Aux pouvoirs publics pour réagir.
A tous les autres pour comprendre.”

Laëtitia Payen

Paru le 16/03/2022 – 288 pages – 19€

Les droits d’auteur de Laëtitia Payen seront entièrement reversés à l’Association Bicycle

Revue de presse

aufeminin.com – 04 août 2022
https://www.aufeminin.com/enfant/moi-j-aime-bien-quand-tu-pleures-recit-d-une-mere-sur-la-bipolarite-de-son-fils-de-5-ans-s4046678.html

Urbania – 12 juillet 2022
https://fb.watch/eIBjtj_S5p/

EUROPE 1 – 17 mai 2022
Olivier Delacroix, libre antenne
https://www.europe1.fr/emissions/La-libre-antenne/apres-le-calvaire-vecu-par-sa-famille-le-petit-garcon-bipolaire-de-laetitia-a-ete-sauve-grace-a-un-diagnostic-precoce-4112148
 
BFMTV – 15 mai 2022
https://www.bfmtv.com/replay-emissions/prenez-soin-de-vous/bien-diagnostiquer-la-bipolarite-chez-l-enfant-15-05_VN-202205150048.html
 
Ouest France – 20 avril 2022
https://www.ouest-france.fr/sante/maladies/violences-insultes-excuses-elle-raconte-le-quotidien-de-son-fils-atteint-de-troubles-bipolaires-7732359
 
RCF – Mars 2022
https://rcf.fr/culture-et-societe/le-podcast-des-plumes-de-montaigu?episode=232442&fbclid=IwAR2XVBYj8qVW7tb2WkyiLtuzhrf0Pk0fn5IDy74Wy-H-GSXt6lwv2yhVeWc
 
La gazette du Val d’Oise – 30 mars 2022
https://actu.fr/ile-de-france/herblay-sur-seine_95306/herblay-sur-seine-le-combat-d-une-mere-pour-son-fils-bipolaire_49798853.html?fbclid=IwAR03HnLekIRY0_JCZyCe122y2SxVC4AT1v9vDBlCWZbfqbUrrFOudX5e1R4#l1dnvtsnlpulih7ihtg
 
VIVRE FM – émission « Vivre c’est épatant » animée par Carole Clémence – 30 mars 2022
https://www.vivrefm.com/emissions/vivre-c-est-epatant
 
France Bleue – émission « C’est déjà demain » avec Fredérique Le Teurnier – 30 mars 2022
https://www.francebleu.fr/emissions/c-est-deja-demain/bipolarite-que-faire-quand-son-enfant-est-concerne
 
France Inter – le 5/7, émission pré-matinale présentée par Mathilde Munos – 30 mars 2022
https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-mercredi-30-mars-2022?fbclid=IwAR04JxXZbcVPVV2J89zwIQn8wqdWkHWOjVILMbS_oIGRzWhdGLLzPk3RvPw
 
20 Minutes – 30 mars 2022
https://www.20minutes.fr/sante/3261523-20220330-journee-troubles-bipolaires-diagnostic-rendu-liberte-raconte-laetitia-payen-maman-garcon-bipolaire?utm_term=Autofeed&xtref=twitter.com&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1648638716
 
Konbini News – 30 mars 2022
https://fb.watch/c48Gh77rR0/
 
La maison des maternelles – France 2 – 16 mars 2022
https://www.france.tv/france-2/la-maison-des-maternelles/3190663-le-jour-ou-mon-fils-a-ete-diagnostique-bipolaire.html
 
Flammarion – Mon enfant cyclone, le tabou des enfants bipolaires – 16 mars 2022
https://www.instagram.com/p/Cbsa4ItKjWa/

Tribune : de l’effet rebond à l’effet papillon

Rappelons que le trouble du comportement est un symptôme non spécifique c’est à dire qu’il peut-être retrouvé dans plusieurs troubles. Il ne permet donc pas à lui seul de poser un diagnostic. Chaque trouble nécessite des explorations spécifiques. A noter que plusieurs troubles peuvent également coexister.

Quand une prise en charge thérapeutique (traitement de première intention) de l’ensemble de la famille est insuffisante face à l’intensité des troubles du comportement de leur enfant, les parents sont souvent démunis.

Les médecins le sont aussi. Mais cela reste un sujet tabou dont on parle plus rarement.

 
Toutes les associations, tous les médias et même des programmes dans les hôpitaux le disent : il faut sortir de l’isolement, ne plus avoir honte, oser en parler.
 
Les médecins se retrouvent alors saturés pour ce motif de consultation qui devient récurrent. Un médicament est parfois nécessaire.
Soumis aux injonctions de notre société inclusive, les plus ouverts prescrivent du méthylphénidate (traitement préconisé pour le TDAH). Mais peu ou mal formés à ces troubles ils sont souvent, en toute bonne foi, incapables de distinguer l’effet rebond* des effets indésirables d’une médication inadaptée.
 
La médication est alors non seulement maintenue mais aussi augmentée. Quand cela n’est pas suffisant, la même molécule est conservée, seule la forme est modifiée.
 
Pour les enfants avec des antécédents familiaux de troubles bipolaires, quand le traitement entraîne une réduction significative du temps de sommeil accompagnée d’une aggravation durable de l’irritabilité, peut-on encore parler d’effet rebond ou de virage maniaque ?
 
Il y a aussi les experts pour lesquels il est souvent reproché de ne voir que par leur spécialité. Il est est de même pour les associations.
 
Les partenariats entre associations sont difficiles comme si chacune défendait son pré carré en en oubliant parfois sa mission originelle…
 
L’effet rebond, le vrai, ne serait-il pas alors du ressort des associations ?
 
Ne tombons pas dans le piège du biais de confirmation !
 
Chez Bicycle, on ne badine pas avec l’éthique.
 
Notre démarche est avant tout scientifique. Quand un parent nous contacte on ne recherche pas tout ce qui pourrait correspondre à de la bipolarité mais à l’inverse tout ce qui ne pourrait pas l’être…
 
Nous rebondissons vers tous les autres troubles qui ressemblent et qui parfois même coexistent…
 
Et chaque jour nous incitons les parents à rebondir vers d’autres associations :
 
Si le battement d’aile d’un papillon peut déclencher une tornade, il peut aussi l’empêcher.
 
Et si nous associations, médecins, professionnels du médico-social, tous ensemble, nous avions le pouvoir de transformer l’effet rebond en effet papillon ?
* L’effet rebond désigne le moment où l’effet du médicament se dissipe et s’estompe. Il est possible que l’enfant présente alors une agitation supérieure pendant une courte durée.
 
(c) Illustration : Rico Gripoil

Interview La maison des maternelles

Interview lors de l’émission La maison des maternelles sur France 2.
A l’occasion de la sortie du livre de Laëtitia Payen : Mon enfant cyclone, le tabou des enfants bipolaires aux éditions Flammarion.

Co-écrit avec Catherine Siguret.

“Se retrouver démuni face à un enfant ingérable qu’on ne comprend plus et qu’on ne se sent parfois même plus capable d’aimer, c’est le lot des parents dont l’enfant souffre d’un trouble de l’humeur. Laëtitia vient évoquer ce sujet si tabou ce matin. Elle est la maman d’Atsuki (15 ans), et de Stanislas (13 ans). Elle a vécu l’enfer avant que l’on ne diagnostique à son fils une bipolarité juvénile à l’âge de 5 ans. Grâce à une prise en charge précoce, il va bien aujourd’hui. Elle est depuis devenue présidente de l’association Bicycle qui soutient les familles dans les troubles de l’humeur des enfants et des adolescents. Elle est aussi l’auteure du livre Mon enfant cyclone qui raconte son parcours et sort aujourd’hui chez Flammarion.

Caline Majdalani est psychologue clinicienne au   à Paris, spécialisée dans la prise en charge de la cyclothymie chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte. Elle a co-écrit les livres « Cyclothymie – Troubles bipolaires des enfants et adolescents au quotidien » et « J’apprends à gérer ma cyclothymie » aux Éditions Josette Lyon. Elle répond aux questions des internautes sur ce thème.”

Les droits d’auteur de Laëtitia Payen seront reversés à l’association.

Retrouvez l'interview en vidéo ici :

L’article de la rédaction de La Maison des Maternelles :

Laëtitia vit un quotidien difficile avec son fils Stanislas : crises volcaniques, hypersensorialité, TOC, violence physique et verbale… À ses 5 ans, un psychiatre pose enfin un diagnostic sur ses maux : il souffre de cyclothymie ou bipolarité juvénile.

Un quotidien insoutenable

Dès tout petit, Stanislas est un enfant agité, difficile. Ses parents mettent d’abord cela sur ses problèmes de santé : il a été hospitalisé plusieurs fois. Mais après ses 2 ans, les crises continuent : des colères explosives de plus d’une heure, plusieurs fois par jour. Chaque geste du quotidien est un combat : prendre le bain, mettre son manteau… Laëtitia et son conjoint l’éduquent pourtant comme sa grande sœur, Atsuki, qui n’a jamais posé problème.

Peu à peu, d’autres symptômes s’ajoutent au tableau : Stan a des TOC, des manies étranges. Il est aussi beaucoup plus sensible aux odeurs, aux bruits, et à la chaleur que les autres enfants. Plus il grandit, plus les crises s’amplifient :

« Il se transformait physiquement pendant les crises : ses yeux tournaient, sa voix devenait rauque. Il y a eu beaucoup de violence physique et verbale. À l’époque j’étais couverte de bleus car j’essayais de le contenir pendant les crises pour qu’il ne se blesse pas et ne casse pas tout autour ! »

Stanislas passe d’un état émotionnel à l’autre extrêmement vite : il peut avoir de grands élans affectifs envers ses parents après une crise, ce qui les déstabilise d’autant plus. Ils consultent des professionnels, mais aucune piste n’aboutit réellement : on leur parle de précocité, de TDAH, de suspicion d’autisme… D’abord démunis de ne pouvoir aider un enfant qui semble lui aussi en grande souffrance, ces parents – à bout – commencent à atteindre leurs limites :

« À un moment donné, on est tellement épuisé qu’on bascule… On finit par ne plus aimer son enfant, et c’est ça qui est le plus difficile. »

La découverte de la bipolarité juvénile

Aux 5 ans de Stanislas, Laëtitia découvre par hasard l’association Bicycle qui soutient les familles dans les troubles de l’humeur des enfants et des adolescents. Alors qu’elle ignorait son existence, elle apprend que la bipolarité juvénile existe : elle n’a juste pas les mêmes manifestations que la bipolarité chez l’adulte. Elle reconnaît tout de son fils dans les témoignages, c’est une révélation. Peu de temps après, un événement violent la pousse à passer le pas et à consulter :

« On rentrait de la garderie, il a vu une voiture arriver sur la route et il a voulu se jeter dessous. La voiture a pilé. Sur le coup ça semblait être une impulsion, mais en reparlant après avec lui en fait il voulait mettre fin à ses jours, il nous disait : « Vous seriez mieux sans moi ». Ça m’a fait un électrochoc. »

En février 2015, Laëtitia obtient enfin un rendez-vous au CTAH (Centre des Troubles Anxieux et de l’Humeur) à Paris : la famille y rencontre une psychologue et un psychiatre qui n’ont aucun doute sur le diagnostic de Stanislas et confirment les intuitions de sa maman.

Retrouver l’équilibre

Suite à ces rendez-vous, un antiépileptique (qui peut également jouer le rôle de régulateur de l’humeur) est prescrit à faible dose pour Stanislas. Le début de la médication est un cap difficile à passer pour Laëtitia :

« Il y a les remarques extérieures genre : « Tu drogues ton enfant » et c’est très dur même pour soi d’accoler le nom de son fils de 5 ans avec le mot psychiatrie. Aucun parent n’a envie de psychiatriser son enfant. Et puis donner un médicament c’est aussi vraiment admettre que l’amour ne suffit pas. »

Deux ou trois mois après le début du traitement, Laëtitia repère néanmoins des changements flagrants dans l’attitude de son fils. Elle nous raconte ce moment de bascule le jour où toute la famille refuse une aide à Stanislas pour un jeu :

« Je m’attends à une explosion… mais non, il file dans sa chambre et pleure. Je l’ai alors rejoint, je lui ai dit : « C’est extra ! Tu as pleuré, c’est génial ! ». Surpris d’abord, il a ensuite compris et il a dit : « Oui, j’ai choisi la bonne émotion ». Avant ça, je ne le voyais JAMAIS pleurer, là il a eu des larmes d’enfant. »

Les années ont passé, Stanislas a aujourd’hui 13 ans et les violences à la maison ont totalement disparu. Toujours sous traitement léger et suivi en psychothérapie tous les mois, il a pu rester dans le système scolaire classique avec un PAP (Plan d’Accompagnement Personnalisé) pour troubles DYS, a un groupe d’amis, une bonne moyenne… Bref, il va bien et pourra envisager un arrêt du traitement à l’âge adulte.

Laëtitia est désormais présidente de l’association Bicycle et publie le livre Mon enfant cyclone aux éditions Flammarion, qui détaille l’intégralité de son parcours.

Mon enfant cyclone, le tabou des enfants bipolaire

TDAH résistant et liens avec la bipolarité

A l’association il est fréquent que nous soyons sollicités par des parents dont l’enfant a reçu un diagnostic de TDAH sévère ou atypique ou +++ et pour lequel la prise en charge classique ne fonctionne pas voire même aggrave les symptômes en particulier ceux concernant la labilité émotionnelle, l’anxiété et les idées dépressives. 

On regroupe désormais ces TDAH dans la littérature scientifique sous le terme de TDAH résistant.

Chaque année depuis 20 ans se tient le Congrès de l’Encéphale, inspiré par la revue l’Encéphale créée en 1906. Il est devenu le rendez-vous de la psychiatrie francophone, réunissant chaque année plus de 4 000 psychiatres au Palais des Congrès à Paris.

Cette année il s’est intéressé aux TDAH résistant.

Objectifs : Connaitre les caractéristiques cliniques et les traitements des TDAH résistants.

Au cours de ce symposium ont été  discutés la clinique et le traitement des TDAH résistants. Il a montré en quoi les approches chez l’enfant et chez l’adulte sont à la fois comparables et différentes.

Le TDAH souffre du problème inverse de la bipolarité juvénile.

Le TDAH est considéré comme un trouble de l’enfance et la bipolarité, à l’inverse est considéré comme un trouble de l’âge adulte. 

Pédopsychiatres et psychiatres ne sont  pas toujours du même avis, le psychiatre a l’avantage d’avoir du recul sur l’évolution de son patient.

Nous retenons qu’en cas de TDAH résistant et de mauvaise réponse au methylphenidate, 2 pistes sont absolument à explorer :

• 1 ➡️ ce n’est pas un TDAH. Il faut donc penser à corriger le diagnostic si nécessaire. 

• 2 ➡️ un autre trouble est associé au TDAH. Il faut donc rechercher les comorbidités et les prendre en charge. Cela signifie que le TDAH seul n’est pas la cause de l’ensemble des symptômes. Parmi ces troubles associés figurent les troubles des apprentissages, le TSA (Trouble du Spectre de l’Autisme), les troubles anxieux, le TOP/TC (Trouble Oppositionnel avec Provocation/Trouble des Conduites) la dépression et le trouble bipolaire !

Le Dr Cédric Galéra va plus loin concernant les stratégies médicamenteuses chez l’enfant souffrant de TDAH résistant. Il différencie les comorbidités peu sévères et les comorbidités plus sévères. Selon lui les comorbidités plus sévères doivent être traitées en priorité même si parfois une combinaison médicamenteuse avec le methylphenidate est possible. Il classe le trouble bipolaire dans les comorbidités dites plus sévères.  En cas de trouble bipolaire en particulier, il préconise de traiter en premier le trouble bipolaire (lithium et antipsychotiques de 2ème génération). 

Rappelons que selon les critères du  DSM 5 qui est souvent pris en référence par de nombreux médecins pour poser un diagnostic de TDAH, les symptômes du TDAH ne doivent pas être « mieux expliqués par un autre trouble mental (trouble thymique, trouble anxieux, trouble dissociatif, trouble de la personnalité, intoxication par une prise de substance ou son arrêt) »

Enfin le Dr Nathalie Franc dans les stratégies non pharmacologiques chez les enfants souffrant de TDAH résistant évoque les différents types de guidances parentales :

⁃ La méthode Barkley : cette méthode vise à obtenir un changement de comportement de l’enfant

⁃ La RNV (Résistance Non Violente) : cette méthode vise à obtenir un changement de comportement du parent

D’après notre savoir experientiel, même s’il y a des idées intéressantes dans ces 2 méthodes, aucune n’est totalement satisfaisante concernant nos cyclokids.

Nos ateliers Tandem, atelier de guidance parentale, mis en place par l’association depuis 4 ans, visent eux à modifier le comportement de l’enfant et du parent en faisant équipe ! 

En effet, nous avons constaté qu’à force de crises ou à cause de vivre dans l’angoisse de la prochaine crise c’est le lien affectif qui est le plus abimé quand il n’est pas complètement brisé et qui rend tout changement impossible.

Or c’est ce lien qui permet un bon développement et une bonne santé mentale de l’enfant. Mais le sujet est tout aussi tabou que les troubles psychiatriques de l’enfant : impossible pour un parent de ne plus aimer son enfant, le penser est déjà très compliqué et le dire est inimaginable ! Et pourtant ! 

C’est la première chose que nous faisons lors de nos ateliers : apprendre aux parents et aux enfants à parler la même langue ! Celle des émotions ! ( ne pas s’arrêter au comportement, chercher l’émotion derrière une crise,…). On peut alors commencer à réapprendre à s’aimer pour pouvoir agir ensemble contre (ou avec) la maladie et non plus l’un contre l’autre. 

Même si sur le papier ce symposium est très positif pour la prise en charge de nos enfants reste encore le gros chantier de faire évoluer les critères diagnostic du trouble bipolaire pour les plus jeunes mais aussi celui d’une meilleure connaissance du spectre des troubles bipolaires et en particulier de la cyclothymie au risque de voir nos enfants traités pour dépression et mis sous anti-dépresseur associé ou non au methylphenidate ! 

(Rappel : un antidépresseur ne doit pas être prescrit seul à une personne souffrant de troubles les bipolaires sans protection par un thymorégulateur car il risque  d’entraîner un virage de l’humeur).

Aujourd’hui sont considérés comme souffrant de troubles bipolaires uniquement les enfants présentant une bipolarité « caractérisée » c’est-à-dire ayant fait une crise maniaque typique. 

Le Dr Masson, invité de l’émission « Grand bien vous fasse » avait évoqué sur l’antenne de France Inter en 2018 cette approche unique en la présentant comme un « diagnostic de novice ». 

Il constate qu’en effet un état d’excitation est plus facile à repérer car quand il y a une phase d’excitation typique on fait évidemment le diagnostic beaucoup plus facilement. Et une crise maniaque est tellement typique qu’on ne passe pas à côté du diagnostic à ce moment là. Le risque est alors qu’entre l’émergence des premiers symptômes qui peuvent apparaître chez les jeunes sous forme de troubles du sommeil, ou du trouble du contrôle des émotions, d’une réactivité un peu trop forte jusqu’à une première dépression qui va inaugurer la maladie dans 60% des cas et le diagnostic et la prise en charge il peut s’écouler 8 à 9 ans ! 

Une chose est certaine : le TDAH résistant doit faire réévaluer le diagnostic et/ou la prise en charge ! 

Pour aller plus loin ⬇️

Merci à l’association HyperSuper pour le partage des PowerPoint des intervenants des différentes conférences à consulter juste ici :

En tandem avec les Biclous lâchés lousses à travers le monde ! 

Un beau matin de décembre, la famille des « Biclous lâchés lousses » nous a fait l’agréable surprise de nous écrire. Enfourchés sur leurs vélos, ils nous ont proposés un tandem. 

Leur nom est un mélange de deux régionalismes de la langue française. « Biclou » est un mot familier en France pour bicyclette et « lâché lousse » veut dire en québécois « en toute liberté ». Ce nom les représente, une famille biculturelle, passionnée de voyage à vélo, avec un profond désir de liberté qui dépasse celui du confort et de la sécurité financière.

Leur devise est « s’épanouir et grandir, sans feu ni lieu », c’est-à-dire utiliser la vie nomade pour se développer, s’ouvrir, apprendre à vivre pleinement l’instant et développer sa résilience. C’est le cadeau qu’ils veulent faire à leurs enfants, pour qu’ils soient maîtres de leur vie et de leur bonheur. C’est le cadeau qu’ils se font, eux les parents, parce que la vie est (très) courte.Une visio entre Herblay, Montpellier et la Floride a fini de nous convaincre que nous parlions la même langue : adaptabilité, équipe, famille, enfant, lien affectif, empathie, gestion des émotions, santé mentale. Ils voulaient faire voyager Bicycle avec eux et sensibiliser à la bipolarité de l’enfant à travers le monde et même aller plus loin en récoltant des fonds. C’était le début de notre aventure avec eux.

Chez Bicycle en plus du vélo sur lequel il faut continuer à avancer pour garder l’équilibre, nous avons un autre symbole fort : le banc ! Dans notre groupe de parole dédié aux parents sur Facebook quand un parent à besoin de se poser mais aussi de recevoir du réconfort des autres membres du groupe, on a pour habitude de poster un banc. 

C’est le signal qui fait que nous nous mobilisons tous virtuellement autour de lui, on peut même lui apporter quelques douceurs virtuels comme quelques chocolats, une délicieuse pâtisserie ou encore une boisson réconfortante. Quoi de mieux alors que de photographier les bancs à travers le monde pour appeler à se mobiliser autour de notre association et vous amener à participer à cette belle campagne de crowdfunding ! Son but : développer nos ateliers Tandem partout en France ! 

POUR SOUTENIR LA CAMPAGNE DE CROWDFUNDING C’EST PAR LÀ :

On leur passe le clavier pour les présentations : 

Nous sommes une « famille certifiée ordinaire » en voyage de 2 ans à vélo autour du monde depuis juin 2021. Nous voyageons en toute autonomie. Nos deux filles ont 9 et 11 ans, elles ont leur propre vélo et portent leurs bagages.

Nous souhaitons inspirer d’autres familles ordinaires à franchir le pas (si nous pouvons le faire, vous le pouvez !).

Nous souhaitons développer l’adaptabilité de nos deux filles et renforcer leur santé mentale, afin qu’elles puissent construire la vie de leurs rêves à l’âge adulte.

Le type de voyage que nous faisons et la santé mentale sont deux sujets intimement liés. Certains partent à l’aventure à la suite d’une dépression pour se retrouver et en sortir. S’ils ne se trouvent pas toujours, ils y trouvent les outils, les stratégies et l’énergie pour en sortir à leur retour. Certains se trouvent et ne reviennent jamais à leur vie d’avant…

Développer l’adaptabilité de nos enfants est d’autant plus important qu’il leur enseigne à faire face à de difficiles épreuves. Ils auront la résilience et la discipline mentale pour lutter efficacement. Apprendre ces habiletés pendant qu’on lutte est une immense montagne à grimper. Nous espérons qu’en ayant appris cela avant, elles seront mieux armées.

Il s’est avéré que de nombreuses personnes ont souhaité nous soutenir en nous donnant de l’argent, argent que nous avons refusé de prendre car nous sommes les chanceux dans l’histoire et d’autres personnes sont beaucoup plus dans le besoin.

Ainsi, nous avons ajouté un but à notre aventure et avons ouvert des collectes de fonds pour des causes que nous chérissons. Bicycle fait partie de celle-ci.

Plusieurs membres de notre famille souffrent de dépression, d’anxiété et de bipolarité. Nous sommes les témoins de première ligne de leur combat, de leurs souffrances et des immenses défis auxquels ils sont confrontés. Nous, leurs proches, nous sentons impuissants à les aider, mais nous continuons d’essayer autant que nous le pouvons. 

Nous croyons que plus on intervient précocement auprès des personnes souffrant de troubles mentaux, meilleure est leur chance d’avoir une vie normale et d’accomplir leurs rêves. C’est ce que fait l’Association Bicycle en s’y attaquant dès l’enfance auprès des enfants atteints de cyclothymie (“bipolarité juvénile”). Leur mission nous touche donc particulièrement! 

Joignez-vous à nous et soutenons cette association formidable!

Pour découvrir les autres projets et suivre les aventures des Biclous c’est par ici :

Les Biclous soutiennent 3 autres causes autour de la Sante mentale : 

Relief (Canada)

Whole Village Art Therapy, Inc, (New Orleans, Louisiana, USA)

Cycling for Society (Germany and the world, currently in Turkey)

Le TDAH non traité chez l’enfant ne se “transforme” pas en bipolarité !

Auteur : Dr Elie Hantouche /CTAH

Psychiatre, conseiller scientifique, expert des troubles anxieux et bipolaires, secrétaire du forum européen bipolaire. 
Photo : © Jean-François Deroubaix pour Association Bicycle

Depuis quelques temps, se répand largement l’idée suivante : « un TDAH non pris en charge chez l’enfant comporte des risques de se transformer en bipolarité chez l’adulte ; conclusion : pour éviter la bipolarité, traitons le TDAH ».
Cette idée mérite une meilleure exploration des arguments sous-jacents et surtout une explication des erreurs de leurs interprétations. Allons voir ce que disent les études et comment peut-on tomber dans les pièges de fausses conclusions, comme la transformation d’un TDAH précoce en bipolarité chez l’adulte ou la prévention de celle-ci en traitant assez tôt le TDAH.

 

Bipolarité juvénile et TDAH (1) 

 « En lisant votre livre, j’ai pensé à notre fils, 16 ans, qui a été traité pendant plusieurs années pour son hyperactivité avec déficit d’attention. La Ritaline® a permis de calmer beaucoup de choses, jusqu’à l’âge de 14 ans ou petit à petit le traitement a été arrêté. Mais les profs continuent à se plaindre de son manque d’attention, manque de rigueur, manque de soin, manque d’organisation, dispersion, écriture illisible. Cependant il n’y a plus d’hyperactivité corporelle comme auparavant. Face à cet état, un expert propose de prendre du Concerta. Mais cela lui coupait l’appétit et lui provoquait des céphalées avec le sentiment d’être sonné, et parfois des hallucinations. Depuis peu le psychiatre lui a dit de l’arrêter et c’est un retour à la Ritaline®. Cependant, après votre lecture, je me suis posée la question : serait-il Bipolaire ?

En effet, il est hyper sensible, émotif, plein d’idées dans la tête. Cependant il a un comportement «normal», pas maniaque. Il est en première scientifique et veut être infographiste. Il n’aime pas la violence, les moqueries, le côté ordurier des garçons. De plus il a vécu des choses tellement dures avec son père durant les phases maniaques (violences physiques et verbales). Le père est traité pour un trouble bipolaire, récemment stabilisé. Vu le terrain familial pensez-vous qu’il faille s’orienter vers un traitement régulateur de l’humeur ? »

Selon certains experts, 70 à 90% des BPJ souffriraient également d’un TDAH comorbide (Trouble Déficit de l’Attention avec Hyperactivité). En fait, ils présentent les critères sémiologiques du TDAH mais pas nécessairement un double trouble. Il semble ainsi que le TDAH doit être considéré comme une partie intégrante de la BPJ. Toutefois, on dispose de quelques éléments pour faire la distinction entre BPJ et TDAH (tableau). En cas de comorbidité entre BPJ et TDAH, le traitement doit viser en premier la BPJ puis le TDAH (en raison d’un risque d’aggravation induit par l’usage des stimulants).

La question d’une possible relation entre le syndrome trouble déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) et la maladie bipolaire est de plus en plus soulevée par les chercheurs et les cliniciens. La prévalence du TDAH est de 5 à 9 % en population d’âge scolaire alors que celle du trouble bipolaire « typique » est de 0,3 % en population juvénile. Ce chiffre est assez loin de la réalité clinique quand on tient compte des présentations particulières de la BP juvénile, notamment les formes cyclothymiques.

L’association des deux troubles est donc difficile à évaluer, d’autant qu’il existe une superposition d’un grand nombre de symptômes dans les deux tableaux cliniques. Le parcours évolutif de l’enfant hyperactif est plutôt continu, en revanche le parcours observé chez l’adolescent bipolaire est plus volontiers épisodique et discontinu. Mais cette marque de distinction est seulement visible dans la forme BP typique !

Bipolarité chez l’adulte et antécédents de TDAH

Une étude réalisée par le département de psychiatrie au CHU de Montpellier (2)  a soulevé la question concernant la signification des symptômes de TDAH dans l’enfance chez des dépressifs adultes. L’étude a porté sur un échantillon de 3963 dépressifs avec une évaluation des symptômes dépressifs actuels et des symptômes bipolaires et TDAH sur la vie entière. Les résultats montrent que le groupe dépressif avec des symptômes significatifs de TDAH dans l’enfance est différent du groupe sans ces symptômes. En effet, le premier groupe se distingue par une fréquence plus élevée de symptômes bipolaires (manie / hypomanie) et d’une histoire familiale de trouble bipolaire type I ou II plus importante. Une lecture rapide de ce résultat laisse penser que le TDAH est susceptible d’évoluer vers la bipolarité à l’âge adulte ! Une autre explication plus logique et plausible : l’histoire familiale bipolaire peut agir d’une manière directe (survenue de bipolarité) ou indirecte (à travers des signes précoces de TDAH, comme voie d’entrée de la bipolarité). Cette interprétation paraît importante dans la pratique car elle évoque un moyen de dépister la bipolarité chez les dépressifs adultes avec des antécédents de troubles attentionnels dans l’enfance. L’enjeu est toujours d’actualité : plein de patients adultes souffrant de bipolarité sont traités pendant des années par des antidépresseurs.

Par ailleurs, on peut aller plus loin et stipuler que la bipolarité serait déjà présente dès le début des manifestations du TDAH. Dans ce cas, tous les jeunes ayant reçu ce diagnostic doivent être systématiquement dépistés pour une bipolarité sous-jacente ou associée. Ca serait vraiment dommage d’attendre la survenue des dépressions à l’âge adulte pour repérer la bipolarité !!

Une autre étude (3) est régulièrement citée pour argumenter la transformation du TDAH juvénile vers la bipolarité. L’étude concernait une cohorte de 2,5 millions de personnes nées au Danemark 1991-95 et suivis à partir de l’âge de 16 ans, ou entre janvier 1995 et la première prise de contact médical pour trouble bipolaire, ou jusqu’à décembre 2012. Ainsi les auteurs ont pu calculer l’incidence de la bipolarité (« incidence » = survenue de nouveaux cas, ce qui est différent de la « prévalence ») et les effets des diagnostics antérieurs de TDAH et de troubles anxieux (TA) sur le risque de développer une bipolarité. L’incidence de BP chez les personnes sans diagnostic antérieur de TDAH ou TA est de 2,17 /10 000 personnes-années. L’incidence grimpe à 23,86 chez les personnes avec TDAH seul, à 26,05 chez les personnes avec TA seul et à 66,16 chez ceux ayant les deux diagnostics « TDAH + TA ». Ainsi la présence combinée des 2 troubles augmente le risque de BP par 30 fois !! Là aussi, certains experts peuvent hâtivement suggérer que la prise en charge du TDAH dès l’enfance pourrait permettre d’éviter de développer des comorbidités à l’âge adulte, comme la comorbidité bipolaire. Cela dit, les auteurs indiquent dès l’introduction de l’article que le vrai rationnel était d’améliorer la prédiction et le dépistage de la bipolarité dans les domaines médicaux et de santé publique. L’enjeu est de mieux comprendre ce trouble qui comporte de nombreux risques (notamment suicide et altération de la santé) et souvent mal diagnostiqué comme « dépression » et mal traité par des antidépresseurs. De plus, cette étude est censée aider à mieux comprendre les voies du développement psychopathologique conduisant à la bipolarité et par conséquent, aider à identifier les individus à risque et mettre en place des interventions précoces spécifiques. Donc, l’étude danoise n’indique nulle part que le traitement du TDAH ou de l’anxiété juvénile permet d’éviter le développement ultérieur de BP, mais incite à mieux connaître les stades précoces du début de la BP.

En effet, la bipolarité a un début qui n’est pas encore correctement exploré. Des travaux récents se focalisent sur ce point fondamental, comme celle réalisée par NIMH (4) (centre national de recherche des troubles mentaux aux USA) qui a suivi sur une période de 8 ans des jeunes à risque de BP (ayant un parent bipolaire). Cette étude a validé 3 facteurs témoins de début de BP : anxiété/dépression ; labilité émotionnelle (traits cyclothymiques, irritabilité) ; et symptômes maniaques de faible intensité.

Plus de précisions sur les liens entre TDAH et Bipolarité : ce ne sont pas les épisodes qui comptent mais les tempéraments de base

De plus en plus, on s’intéresse chez les adultes aux rapports entre TDAH et troubles de l’humeur. Une étude turque (Harmanci et al, 2016) a comparé 3 groupes de patients : bipolaires (BP), dépressifs (UP) et témoins. La recherche du diagnostic TDAH a montré une fréquence respective de 48% chez les BP contre 25% dans UP et 12% dans le groupe témoin. Le groupe BP + TDAH se distinguait par une élévation importante du risque suicidaire. Un autre résultat important : le diagnostic de TDAH était associé à un profil tempéramental combinant des traits cyclothymiques, irritables, dépressifs et anxieux et cela dans les 3 groupes ! Le tableau qui suit montre les moyennes (écart-type) des scores obtenus sur le questionnaire TEMPS-A (auto-évaluation des tempéraments affectifs).

Cette étude confirme les résultats d’autres études montrant la fréquence élevée du tempérament cyclothymique chez les adultes présentant un TDAH adulte (Landaas et al 2012 (5) ; Perroud et al 2014 (6) ). 

Pour aller plus loin, une autre étude a exploré les tempéraments affectifs chez des adultes ayant présenté un TDAH sans trouble bipolaire (Ozdemiroglu et al, 2018). Les patients étaient divisés en deux groupes : ceux qui ont continué à présenter les critères TDAH après 18 ans (groupe nommé « TDAH Adulte ») et ceux qui ne présentent plus ces critères (groupe « TDAH juvénile »).  Et le résultat est étonnant : les tempéraments cyclothymique et irritable étaient plus élevés chez les individus ayant un TDAH qui persiste après 18 ans. Ce qui signifie que les liens entre TDAH et tempérament cyclothymique/irritable (caractérisé par une instabilité affective et une circularité persistante) sont indépendants du diagnostic de BP typique (I ou II). De plus, La persistance du diagnostic TDAH à l’âge adulte est synonyme de trouble BP cyclothymique, alors que le TDAH non cyclothymique a tendance à régresser voire à disparaître à l’âge adulte.

Une équipe norvégienne à l’université de Bergen (7) trouve une fréquence du tempérament cyclothymique en population générale (n = 721 adultes) chiffrée à 13% ! La présence de ce tempérament était significativement associée à une prévalence augmentée de TDAH (adulte et juvénile), de bipolarité, d’anxiété-dépression, d’abus de substances (alcool) et d’une augmentation de la morbidité mentale globale.

Récemment, avec mon ami le Prof G Perugi, on a réalisé une étude utilisant, conjointement le questionnaire des tempéraments (TEMPS-A) et le questionnaire RIPOST8, qui évalue les dimensions émotionnelles basiques comme la réactivité, l’intensité, la polarité et la stabilité émotionnelles (Bracanti et al, 2019). Le questionnaire RIPOST a été développé au CTAH en 2010 (plus de 4000 patients vus au CTAH ont déjà rempli ce questionnaire).

L’étude a comparé 3 groupes : bipolaire cyclothymique, TDAH et témoins. Les résultats montrent que les 2 groupes de patients BP cyclo et TDAH ont les mêmes scores sur les différentes dimensions émotionnelles, avec surtout un niveau élevé sur le facteur principal, désigné « dérèglement émotionnel négatif ». L’analyse par rapport aux tempéraments affectifs révèle des corrélations assez importantes entre ce facteur et les 4 tempéraments : cyclothymique, irritable, dépressif et anxieux ; alors que le tempérament hyperthymique était corrélé avec le facteur « affectivité positive ». 

Le tableau qui suit présente les items qui sont inclus dans les deux facteurs principaux de RIPOST- 40 items :

Ces résultats vont dans le sens que le TDAH adulte et la BP cyclothymique partagent les mêmes caractéristiques émotionnelles basiques. Ils valident par ailleurs que le TDAH adulte peut être une expression clinique très proche de la bipolarité instable cyclothymique.

Dans ce tableau, on trouve les chiffres de corrélation entre les scores des tempéraments et les scores sur les dimensions évaluées par RIPOST. Plus le chiffre est proche de « 0 », plus la corrélation est faible voire nulle ; Quand le chiffre est de 0,5 ou plus, la corrélation est assez forte (ce qui signifie que le lien entre deux scores est significatif).

Conclusion

Toutes les études concernant la bipolarité et les troubles associés ou comorbides doivent tenir compte d’une exploration complète des tempéraments, notamment le tempérament cyclothymique-irritable. Ce tempérament indique la présence d’une bipolarité instable, qui débute à un âge précoce, qui est distincte de la bipolarité classique type épisodique, comme les troubles BP type 1 et 2. En effet, les pédopsychiatres qui ne considèrent la bipolarité que dans sa forme typiquement épisodique, peuvent affirmer à tort l’absence de ce diagnostic chez les jeunes et se contentent de retenir les symptômes les plus visibles comme le TDAH et/ou les troubles anxieux (TOC, panique, phobie sociale, anxiété de séparation…). La connaissance de la bipolarité dans l’ensemble de ses formes cliniques, notamment les formes cyclothymiques, permet de mieux comprendre les stades précoces de la BP, les liens avec d’autres troubles et surtout de mettre en place les approches thérapeutiques les plus adaptées. C’est dans ce sens qu’on peut le mieux lire et interpréter les études concernant le TDAH et la bipolarité (9).

L’approche globale et complète de la bipolarité à travers les tempéraments permet de saisir les complexités de cette maladie et d’aborder la « comorbidité apparente » (p. ex. le TDAH, les troubles anxieux, l’abus de substances…) comme une dimension appartenant à l’histoire naturelle de la bipolarité.

Bibliographie

(1) – Extrait du livre « Cyclothymie : troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent », 

Hantouche et al, J Lyon 2006, 2ème édition 2012.

(2) – D Purper-Ouakil, et al. “What do childhood attention deficit/hyperactivity symptoms in depressed adults tell us about the bipolar spectrum?” Psychiatry Res 2017; 249: 244-51

(3) – Meier SM et al. Attention-deficit hyperactivity disorder and anxiety disorders as precursors of bipolar disorder onset in adulthood. British Journal of Psychiatry, 2018.

(4) – Hafeman DM et al. Toward a definition of bipolar prodrome: dimensions predictors. Am J Psychiatry, 2016.

(5) – Landaas ET et al. The impact of cyclothymic temperament in adult ADHD. J Affect Disord 2012; 142:241-7.

(6) – Perroud N et al. Comorbidity between ADHD and bipolar disorder in a specialized

mood disorders outpatient clinic. J Affect Disord 2014; 168: 161-6.

(7) – Syrstad VEG et al. Cyclothymic temperament: association with ADHD, other psychopathology,

and medical morbidity in the general population. J Affect Disord 2019; Aug 19,260: 440-7.

(8) – Hantouche E. Les Tempéraments Affectifs : L’architecture naturelle de nos émotions. J Lyon 2014.

(9) – Hantouche E. Sommes-Nous Tous Bipolaires. J Lyon, 2018.

12 ans, bipolaire et sous lithium

Podcast RTL “SYMPTOMES”, troubles bipolaires : le cas complexe d’une enfant de 12 ans

Comme cela est très bien dit en introduction de ce podcast : si la connaissance et la recherche progressent sur les troubles psychiques, les préjugés, eux, restent bien ancrés. 

Nous rajouterons : y compris dans le milieu médical. En effet pour beaucoup trop de médecins encore, la bipolarité chez l’enfant n’existe pas ! 

C’est pourtant un sujet crucial et un enjeu de santé publique quand on sait qu’1 français sur 5 est concerné par les troubles psychiques ! 

Dans ce podcast “Symptômes” les médecins se confient sur ce patient pas comme les autres qui a marqué leur carrière. 

Ici c’est le Dr Alicia Cohen, pédopsychiatre à l’hôpital Robert Debré à Paris, qui raconte l’arrivée aux urgences, un soir de Noël, d’une enfant de 12 ans et de sa maman.

Dès son arrivée le tableau clinique de la jeune fille est évocateur d’une bipolarité BP1. Parmi les symptômes typiques et caricaturaux on note des troubles du comportement +++, une fuite des idées, une logorrhée, des idées de grandeur (elle dit avoir des pouvoirs), une humeur très exaltée, des hallucinations acoustico-verbales, un syndrome délirant, une insomnie sans fatigue. Elle est agitée sur le plan moteur, elle tient des propos incohérents, elle parle toute seule dans les couloirs, danse, se déshabille et se prend pour Jésus.

De plus elle est violente avec sa maman qui note une rupture brutale avec son état de base. “C’est un coup de tonnerre dans un ciel serein” pour reprendre l’expression consacrée par les psychiatres. Son cycle de sommeil est inversé. 

Le personnel des urgences est dépassé. 

On vous laisse imaginer si des professionnels de santé sont dépassés ce que cela peut donner dans le huis-clos familial…

La pédopsychiatre Alicia Cohen insiste sur le fait qu’il faut absolument creuser dans les antécédents familiaux et personnels du patient pour donner des pistes de diagnostic.  Ce travail d’investigation est nécessaire à la pose du bon diagnostic. Un minutieux travail d’interrogation sur le tempérament du patient et dans la famille est également indispensable. Il faut également rechercher des points d’appel d’un éventuel trouble du neuro-développement pour expliquer les troubles du comportement actuel. Même s’il n’y a pas forcement de lien direct, cela peut-être un facteur de risque. Le personnel médical est obligé de mener l’enquête. 

Chez Bicycle nous constatons encore trop souvent que ce travail est rarement mené et les antécédents familiaux encore plus rarement évoqués ou vite balayés. 

A noter cependant que ces symptômes très spécifiques sont rarement présents avant 15 ans et que l’investigation et l’expertise des médecins prennent alors tout leur sens pour ne pas passer à côté d’une bipolarité à début précoce. 

Malgré son jeune âge, le diagnostic est sans appel pour l’équipe médicale. Cette accélération psychomotrice associée à des idées qui se bousculent dans sa tête avec des caractéristiques psychotiques liées à ses délires mystiques et à des voix qu’elle semble écouter, c’est typique d’un épisode maniaque et cela signe l’entrée dans la maladie bipolaire même si sa mère n’a jamais noté d’épisodes dépressifs. 

Précisons que chez l’enfant les symptômes dépressifs sont souvent différents de chez l’adulte. L’irritabilité +++ est souvent au premier plan. 

L’adolescente reçoit un premier traitement pour gérer l’épisode maniaque : un neuroleptique. 

Elle répond bien à cette première ligne de traitement et les symptômes régressent progressivement mais un mois après l’équipe médicale assiste a une nouvelle recrudescence des symptômes. Les médecins décident alors d’augmenter le traitement car elle avait bien répondu à la prescription initiale et ils envisagent que la posologie ne soit peut-être pas adaptée. Mais l’amélioration n’est pas au rendez-vous malgré le recours complémentaire à une chambre d’isolation thérapeutique pour faciliter sa redescente. L’objectif de cette chambre est de permettre une isolation sur le plan sensoriel à la jeune patiente pour l’extraire du brouhaha permanent du service. Cela permet également d’éviter un traitement sédatif trop important. Malgré tout cette solution n’apporte pas les résultats escomptés. 

Elle continue de se mettre en danger et met également en danger l’équipe. Sa violence explose et elle devient très difficile à gérer. Plusieurs infirmières sont en arrêt de travail suite aux coups qui redoublent. D’autant plus que sa force est décuplée dans ces moments-là. 

Le personnel médical doit chaque jour canaliser la violence et est sous forte tension. 

Imaginez les situations que doivent gérer nos familles pour palier le manque d’accès aux soins ou tout simplement par méconnaissance de ce trouble chez l’enfant… Si un enfant réussi à épuiser toute une équipe médicale qui veille sur lui jour et nuit, on vous laisse le transposer au sein d’une famille et imaginer l’enfer domestique… 

Un nouveau neuroleptique est essayé avec une nouvelle molécule. De nouveau la jeune fille semble bien répondre au traitement. L’évolution est favorable même si des symptômes résiduels persistent. Malheureusement à 2 mois du premier épisode, il y a de nouveau une recrudescence des symptômes. Elle échappe encore à cette nouvelle molécule. A ce moment elle devient même agressive avec les médecins preuve que “toutes les barrières ont sauté” et que la situation est grave. 

Note pour les professionnels : la plupart du temps quand les parents débarquent avec leur cyclokid sous le bras et que dans votre service il est sage comme une image ne remettez pas systématiquement en doute les parents. Croyez-les et investiguez ! C’est eux qui connaissent le mieux leur enfant et probablement que vous avez de la chance car les barrières n’ont pas encore toutes sauté et que vous pouvez encore agir avant une crise plus grave !

C’est seulement à ce moment-là que les médecins décident de passer à une bithérapie c’est-à-dire d’ajouter un thymorégulateur – ou régulateur de l’humeur- : du lithium. En conservant le neuroleptique pour la manie. Une prise en charge “ceinture et bretelles” d’après la pédopsychiatre. 

Chez Bicycle nous constatons malheureusement que les neuroleptiques sont souvent donnés en première intention même en dehors d’un épisode maniaque caractérisé. D’après notre savoir experientiel ils ne sont souvent pas aussi efficace qu’un thymoregulateur classique sur le long terme (anti-epileptique, lithium). 

L’adolescente répond une nouvelle fois favorablement au traitement et peut même intégrer l’école de l’hôpital où les retours sont positifs. En phase maniaque, il était bien évidemment impossible pour elle de se concentrer sur un cours. 

En dehors des phases de décompensation où elle peut insulter et frapper l’équipe, elle se révèle être une jeune fille qui investit énormément sa prise en charge, avec qui les liens sont bons et qui a énormément d’humour et de culture. La maman dit “retrouver sa fille”. 

Il n’y a bien sûr pas de meilleure récompense pour le service de pédopsychiatrie quand les parents disent enfin reconnaitre leur enfant ! 

Mais au 3ème mois d’hospitalisation, ça recommence… 

L’équipe décide alors de conserver le lithium mais de changer une nouvelle fois de neuroleptique. L’adolescente tolère mal l’accumulation des traitements et présente alors un syndrome “extrapyramidal” c’est-à-dire que son corps supporte mal les molécules ingérées et elle présente de nombreux effets secondaires (vomissements, tremblements,…).

Les médecins s’interrogent : même si elle a bien répondu aux traitements jusqu’à présent, ils sont persuadés qu’ils sont passés à côté de quelque chose. 

Mais quoi ? Qu’ont-ils raté ? 

Ils finissent même à y penser en dehors de l’hôpital quand ils rentrent chez eux car les symptômes sont très intenses et tout peut arriver. 

Cette remise en question par rapport aux réactions aux traitements et à l’évolution est essentielle. Elle n’est pourtant pas toujours envisagée. Et après plusieurs échecs thérapeutiques ou des traitements qui ne fonctionnent qu’un temps, il n’est pas rare de voir des professionnels conseiller l’éloignement familial comme dernière alternative. 

Le “tilt” vient après la remarque anodine d’une infirmière : après chaque décompensation, elle a toujours ses règles. 

Les infirmiers, comme les parents, ont accès à une intimité du patient, ils partagent tout le quotidien et leurs retours sont importants. Une coopération et une collaboration entre et avec tous les acteurs autour de l’enfant est indispensable. Savoir écouter, être attentif, cela va être décisif dans la prise en charge de la maladie.

À l’association on pense que le parent doit être considéré comme un co-thérapeute et plus que la cause du problème, il est souvent le début d’une solution. 

Les médecins font alors le rapprochement que chaque nouvel épisode est effectivement déclenché par le syndrome pré-menstruel qui provoque une tempête hormonale. 

Une pilule qui supprime les cycles menstruels est alors ajoutée au traitement et ça fonctionne ! 

Ne pas oublier de noter tous les éléments  déclencheurs des crises ! On se rend souvent compte que ce sont toujours les mêmes qui reviennent : la faim, la chaleur, le bruit, le parfum de la maîtresse, les cousinades,… Ce qui permet ensuite de  travailler dessus en amont. 

Un second travail indispensable est alors mené par le Dr Alicia Cohen en parallèle du traitement médicamenteux : la psycho-éducation du patient et de sa famille. Comme le souligne la pédopsychiatre la bipolarité particulièrement nécessite un engagement de la part du patient et de sa famille dans les soins. 

L’acceptation de la maladie est aussi indispensable. 

L’éducation du patient et de son entourage est donc primordiale pour devenir expert de la maladie. Dans la bipolarité, la famille et le patient en l’occurrence ici l’enfant doivent absolument savoir gérer pour éviter la répétition des crises. 

Le Dr Alicia Cohen précise également qu’il ne faut surtout pas interrompre le traitement, au moins pendant plusieurs années, car si la maladie est bien stabilisée elle peut perdre en intensité et à l’inverse les rechutes peuvent l’aggraver. 

Pendant 1 an tout va bien. Et comme justement tout va bien c’est à ce moment-là que l’adolescente décide d’interrompre son traitement. Elle mettra plusieurs semaines avant de décompenser et de se présenter à l’hôpital avec un “moi, c’est Jésus”. 

Bien sûr comme dit précédemment si tous les enfants souffrant de troubles bipolaires se présentaient à leur médecin en se prenant pour Jesus ce serait plus facile ! 

Une nouvelle décompensation n’est jamais anodine, c’est une de plus que le corps et le cerveau doivent supporter.  

Depuis, l’adolescente est retournée au lycee, elle a retrouvé sa vie mais cette fois en étant tout à fait consciente de sa maladie.

Alicia Cohen conclut sur le fait que la qualité de la prise en charge du premier épisode va impacter la trajectoire du développement de l’enfant. La pédopsychiatre constate qu’il y a un vrai impact sur l’évolution de la maladie par rapport à la façon dont les premiers épisodes sont traités.

C’est tout l’enjeu du diagnostic précoce et la raison d’être de Bicycle. 

Bien traités, bien suivis, ces enfants  peuvent alors avoir une vie normale. 

N’oublions jamais que la bipolarité est une des pathologies psychiatriques les plus graves car quand elle n’est pas prise en charge correctement elle peut mener à des tentatives de suicide. 

Le Dr Alicia Cohen utilise cette métaphore : “C’est plus facile d’arrêter un train qui part de la gare que d’arrêter un train à pleine vitesse”. 

Chez Bicycle notre objectif sera toujours d’avoir un train d’avance, le plus sûr moyen de raccrocher les wagons !