Suite à un rapport du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA)  plusieurs journaux n’ont pas hésité à  utiliser des titres racoleurs  pour parler de la prescription des psychotropes chez les enfants et les adolescents.

Ainsi Le Parisien annonce en une : « nos enfants en surdose ! » et Le Point rencherit avec son article « alerte sur la prescription de psychotropes aux enfants ».
Lien : https://www.lepoint.fr/sante/sante-mentale-alerte-sur-la-prescription-de-psychotropes-aux-enfants-13-03-2023-2511836_40.php?fbclid=IwAR1fFU_G2r7QFqogrlqAqiLZKEsa6L3eQprh4B9X0H58AiGwQrRJSvoxUYI#lf77iv8ze7vto1tgwq

Nous partageons l’avis du Pr Bonnot, Professeur de pédopsychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et chef du service au CHU de Nantes, qui indique sur Twitter qu’il s’agit d’articles mal et peu informés ! : « Oui les moyens manquent pour les prises en charges psychologiques +++, oui les troubles dépressifs et anxieux augmentent mais les psychotropes ne sont pas TROP prescrits ils sont MAL prescrits car les troubles sont MAL repérés » ajoute-t-il.

Rappelons bien sûr que le traitement de première intention chez les jeunes doit toujours être une prise en charge psychologique, idéalement de type TCC (Thérapie Comportementale et Cognitive) mais parfois une médication peut-être nécessaire.

Aujourd’hui en France les médecins restent frileux pour poser un diagnostic psychiatrique chez l’enfant.
Mais force est de constater que certains de ces enfants finiront par devenir tellement dysfonctionnels qu’ils seront malgré tout confrontés à la médication.
Au lieu de soigner la cause on traitera les symptômes et ces enfants seront alors exposés à un cocktail de médicaments non seulement inadaptés mais parfois dangereux.
Il est aujourd’hui urgent en France de traiter la maladie psychique de l’enfant comme la maladie physique : prévention, dépistage et prise en charge le plus précocement possible !

Ces articles sont très alarmistes sur la prescription de « médicaments pour adultes ». Mentionnons que la prescription hors AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) car c’est bien de cela dont il s’agit est très fréquente en pédopsychiatrie.

Ainsi, la prescription hors AMM s’observe régulièrement chez les enfants, de l’ordre de 40 % en pratique de ville et de 67 % et jusqu’à 94 % à l’hôpital.
Tout simplement car  il n’existe aucun médicament pour l’enfant pour ces indications…
En effet, les troubles de l’humeur ont longtemps été considérés comme des « maladies de l’adulte ». A la lueur de ces explications, ces chiffres n’ont donc rien d’étonnants ni d’alarmants en soi.
Cela confirme juste que cela existe chez l’enfant et qu’il faut les prendre en charge au même titre que pour les adultes.
C’est donc la non prise en charge ou plutôt la mauvaise prise en charge qui doit nous effrayer et nous interpeller.

Concernant la bipolarité de l’enfant par exemple il n’existe qu’un seul médicament qui a cette indication chez l’adolescent de plus de 13 ans. Il s’agit de l’Abilify qui est recommandé « dans le cadre d’un trouble bipolaire pour traiter les épisodes maniaques et pour prévenir les récidives. La durée du traitement doit être aussi courte que nécessaire afin de contrôler les symptômes et ne doit pas dépasser 12 semaines. »
En conséquence il n’existe pas de thymoregulateur « officiel » pour les enfants.
Le lithium est autorisé à partir de 16 ans (âge de la majorité médicale).

Quant à la remarque de Marie-Rose Moro, pédopsychiatre à la Maison de Solenn qui indique que ces médicaments « ont souvent des effets secondaires importants » et que certains « ne sont tout simplement pas très adaptés au cerveau de l’enfant », il est vrai que les neuroleptiques, massivement prescrits en première intention dans la bipolarité à début précoce, présentent bien plus d’effets secondaires que les thymoregulateurs de référence (lithium, anti-épileptiques). De plus sur le long terme, un épuisement thérapeutique nous est souvent rapporté par les familles que nous suivons.

Cependant ne diabolisons pas la prise de médicaments quand elle est nécessaire.
Personne n’hésiterait à medicamenter un enfant diabétique ou un enfant atteint d’un cancer mais la maladie psychique continue d’être stigmatisée. Il faut pourtant considérer le cerveau comme un organe comme un autre.

Rappelons :

• que refuser de poser un diagnostic chez l’enfant est une perte de chance car c’est priver l’enfant et sa famille d’outils de prise en charge non médicamenteuse comme la psychoéducation.

• qu’un enfant non pris en charge c’est aussi une scolarité souvent chaotique et un avenir compromis.

• que le trouble bipolaire est l’une des pathologies psychiatriques les plus graves : 1 malade sur 2 fera au moins une tentative de suicide dans sa vie et 15 % décèderont par suicide.

• une prise en charge précoce c’est faire reculer au maximum la médication et lorsque que c’est nécessaire donner un médicament ciblé avec une posologie en « baby dose » avec l’espoir d’arrêter la médication à l’âge adulte.

Sources :

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