La bipolarité débute majoritairement dès l’enfance !

Auteurs : 

Angélique Excoffier, psychologue clinicienne, psychothérapeute 

Jean-Pierre Guichard, psychiatre, psychothérapeute – Clinique La Nouvelle Héloïse, Montmorency (95)

L’une des meilleures preuves de la réalité de la bipolarité infantile, qui fait encore l’objet de controverses, a été apportée par un certain nombres d’études rétrospectives, conduites principalement aux Etats-Unis, et consistant à interroger des adultes diagnostiqués bipolaires sur la question de savoir à quel âge, selon eux, leur trouble a débuté dans leur vie. C’est ainsi que 20 à 40% d’entre eux ont rapporté avoir présenté des symptômes avant leur puberté.Nous avons nous-mêmes questionné nos patients adultes souffrant de bipolarité sur ce sujet, ainsi que des membres de leur entourage lorsque cela était possible, et restituons ci-après quelques-uns de leurs témoignages, parmi les plus édifiants.
Marion, 34 ans (Trouble bipolaire type II) “le clown triste”

J’ai des souvenirs d’une époque merveilleuse où je me sentais “adorable, drôle, mignonne, aimée de tous…” Je me prenais pour une “princesse de conte de fées” et aimais faire le “clown” aussi bien en classe qu’à la maison, faisant rire mes camarades, mes parents, mes grandes sœurs, les voisins…

Et pourquoi, après la naissance de ma petite sœur, simple hasard ou non (?), vers mes 7 ans, l’apparition des premières bouffées de peur, de honte et de non-bonheur. Pleurs, visage rébarbatif, humeur sombre, perte de l’envie de jouer et de la capacité de m’amuser, sensation de laideur et de solitude, bref “mater dolorosa”, comme ma famille m’avait rebaptisée !

Par la suite, il m’arrivera par périodes de me montrer extravertie, insouciante, en apparence trop sûre de moi, voire exhibitionniste, capable à nouveau d’amuser la galerie… mais souvent avec le sentiment, au fond de moi même, d’appartenir à la catégorie des “clowns tristes”.

Sébastien, 48 ans (Trouble bipolaire type I) “le mal élevé”

Du plus loin que je me souvienne, je me suis toujours senti différent. Tout petit déjà, vers l’âge de 5 ans, je souffrais comme disaient mes parents “de crises de rage”. Il est vrai que je pouvais me mettre dans des colères si intenses que j’aurais pu casser les murs… J’avais comme une allergie à la frustration et à l’autorité. Une simple remarque de mes parents comme “va ranger ta chambre” ou “brosse-toi les dents” me mettait dans une colère folle. Un jour, j’ai même brisé à coups de pieds la table en verre du salon parce que je devais arrêter mon jeu vidéo et aller me coucher. Je n’étais pas tendre également dans les mots, faut voir tous les noms d’oiseaux que mes parents ont reçus de ma part. 

Après ces crises, j’avais beaucoup de mal à retrouver mon état normal et je m’en voulais terriblement. Rien de pouvait me faire redescendre. Mes parents étaient désemparés.

Ah mes parents, ils ont beaucoup souffert de me voir dans ces états, sans compter le jugement de la famille “vous ne lui donnez pas assez de limites”, “il est vraiment mal élevé”.

 Mes crises émotionnelles ont rendu ma scolarité compliquée, mes professeurs me disaient “ingérables”; À certains moments j’étais surexcité : je faisais “le clown”, mais une simple remarque des professeurs et je leur envoyais des objets dans la tête, puis il y avait des périodes où je me repliais sur moi, je me sentais le plus nul, je ne voulais plus aller à l’école. 

Mes parents m’ont emmené consulter tous les spécialistes du coin, j’ai eu droit à tous les diagnostics possibles mais aucun n’était le bon : hyperactif, trouble du comportement avec opposition, personnalité antisociale, trouble du spectre autistique…

Je souffrais tellement le martyr moralement que souvent je voulais mettre fin à mes jours. Lorsque j’avais 10 ans, j’ai pris le couteau de la cuisine pour essayer de me tuer, heureusement mes parents m’en ont empêché. Je pensais en moi-même qu’ils seraient bien plus heureux sans moi. 

J’ai été diagnostiqué bipolaire à l’âge de 47 ans. Depuis le traitement et la psychoéducation ont changé ma vie. 

Céline, 25 ans (Trouble bipolaire type I) “la petite fille au crayon magique”

Les souvenirs de ma propre enfance sont assez fragmentés mais encore très lisibles. Ce sont des situations marquantes pour ma part, ainsi que de fortes émotions ressenties qui me reviennent en mémoire.

Je me souviens que dès ma petite enfance, je ne supportais pas la frustration et étais souvent victime de mes émotions : colères, crises de larmes, repli sur moi-même. L’hyperémotivité était un trait de mon caractère qui prenait beaucoup de place. J’avais la place du “clown” dans ma famille, j’adorais me donner en spectacle et accaparer l’attention. A la maison et sous le regard agacé de ma sœur aînée, je me mettais en scène à chaque début de dîner : déguisements, imitations, acrobaties farfelues et j’en passe. 

Moi ce que j’aimais : c’était dessiner, faire de la poterie, danser, chanter et flâner. Créer constituait mon activité principale. Je me rappelle avoir offert à ma maîtresse quelques dessins à mon retour de vacances. Ces dessins représentaient des personnes nues, avec des chandeliers à la place de la tête et des rollers à la place des pieds. Je trouvais ça beau, unique et original. Et je me souviendrais toujours de son étonnement lorsqu’elle les regardait, tout en me remerciant. J’offrais des dessins de sirènes à chaque élève et je souhaitais par ce biais me faire apprécier, ou bien même me sentir plus proche de mes camarades.

J’avais aussi plus ou moins développé un certain intérêt pour le sexe. Je ne savais pas exactement de quoi il s’agissait mais j’en étais fascinée. J’adorais chorégraphier les danses affriolantes de certaines chanteuses. Mes premiers préliminaires, si l’on peut appeler cela comme ça, se firent dans les toilettes de mon école primaire avec une camarade de classe et je m’amusais à crier “Pénis, pénis, pénis! “, “Papa et maman ont fait l’amour ce matin”, “I’am a sexy girl” à tue-tête, une fois rentrée à la maison.

Cela ne m’empêchait pas d’être une petite fille très angoissée, faisant des attaques de panique à répétition et aujourd’hui en tant qu’adulte, je suis claire sur le fait que cela n’avait rien de normal. Je criais à plusieurs reprises la nuit jusqu’à ce que ma mère vienne me réveiller, s’assurant que j’allais bien. Mes cauchemars m’avaient amené chez le psychologue, tant ils étaient violents et inadaptés pour une petite fille de mon âge. La nuit j’avais des hallucinations visuelles récurrentes que j’expérimentais au moins deux à trois fois par mois et qui consistaient à voir le visage de ma défunte grand-mère paternelle (diagnostiquée maniaco-dépressive et décédée par suicide, je viens de l’apprendre) à travers mon miroir, non loin de mon lit. On ne peut pas dire qu’elle avait l’air bienveillante et ça me glaçait le sang.

Lorsque mon père est parti de la maison, suite à la séparation soudaine de mes parents, alors que j’avais 7 ans, ce fut le déclenchement d’une toute autre ère de ma vie. Sans parler du sentiment d’abandon qui résidait en moi, j’étais révoltée. J’en ai d’ailleurs voulu à mon père pendant près de 10 ans. Si je parle d’une nouvelle ère, c’est parce que ce sentiment qu’était l’abandon a changé la perspective que j’avais des hommes et il a d’ailleurs été déterminant pour la jeune femme que j’allais devenir (hypersensibilité accrue, peur du rejet, paranoïa… ).

J’ai le souvenir d’avoir été assez malheureuse les années succédant à la séparation de mes parents. Je suis incapable de dire si cela s’apparentait à une forme de dépression, mais la vie était loin d’être rose. J’avais moins d’intérêt pour les choses et surtout j’étais moins créative.

Christine, 58 ans (Trouble bipolaire type II) “le papillon”

Petite, quand je partais sans mes parents, j’avais beaucoup de choses à raconter à mon retour. Je parlais sans arrêt. On n’arrivait plus à m’arrêter. Mes idées et mes paroles se succédaient à un tel rythme que ma mère me disait et me répétait à chaque fois : arrête de parler et mange. Tu nous saoules ! Enfant, je m’intéressais à tout, les centres d’intérêt se succédaient à toute allure comme les idées. J’étais inattentive en classe, distraite par la moindre chose, un bruit, un rire et je mettais ensuite un certain temps pour retrouver le fil du cours. Les bonnes sœurs de la pension m’avaient surnommée “papillon”. Cette tendance à me disperser m’a aussi valu le qualificatif de “dilettante”. A 12 ans, ma mère m’a emmenée voir un psychologue car j’avais des difficultés relationnelles avec les enseignants qui ne supportaient plus mon comportement, “j’étais épuisante pour tout le monde”. C’est à 15 ans que j’ai fait ma première dépression.

Marie-José, 45 ans (Trouble bipolaire type I) “Jean-qui-rit, Jean-qui-pleure”

Petite, mes parents m’appelaient “Jean qui rit, Jean qui pleure”. A la moindre contrariété, je piquais une grosse colère ou bien m’isolais. A cette époque déjà, j’avais beaucoup de mal à me concentrer. A l’adolescence, je présentais de nombreuses sautes d’humeur dans la même journée. On disait de moi que j’étais lunatique. Si j’étais réprimandée par les professeurs, je pouvais me mettre à pleurer et avoir des idées noires, ou bien je me sentais si forte que j’allais à l’affrontement sans penser aux conséquences. Je savais que quelque chose n’allait pas en moi. Je n’étais pas faite comme les autres. 

Corinne, 49 ans (Trouble bipolaire type I) “l’infernale”

Enfant, on disait de moi que j’étais “mal élevée”, “infernale”. Ma mère avait beaucoup de mal avec moi et préférait ma sœur. Je ne savais pas ce que je voulais, je pouvais désirer une chose et changer d’avis dans la seconde qui suivait. A l’école c’était très difficile : par moments je débordais de vitalité, alors que d’autres moments sombres m’empêchaient de suivre normalement ma scolarité. J’avais beaucoup d’angoisses, des angoisses d’abandon et d’agression. J’avais d’indéniables capacités artistiques. A 10/11 ans je faisais des dessins qui représentaient mes états d’âme : des têtes de mort et des squelettes dans mes moments sombres et des paysages d’îles paradisiaques dans mes moments «soleil’’.

C’est à l’âge de 12 ans que sont apparues mes premières idées suicidaires. J’avais même échaffaudé un plan de suicide. J’habitais à côté d’une gare (mon père était agent SNCF) et avais l’idée de m’allonger sur les rails et d’attendre le passage du train. Un jour j’y suis allée, déterminée à mettre fin à mes jours, je me suis couchée sur les rails, mais au dernier moment je me suis relevée en me disant qu’il fallait que je continue à me battre. Souvent ce qui déclenchait ma souffrance et mes idées suicidaires c’était les disputes infernales avec ma mère. Elle ne me supportait plus, elle me disait que j’étais “méchante, caractérielle”.

Aurélia, 28 ans (Trouble bipolaire type I) “la tornade” (témoignage rapporté par sa soeur aînée)

“Dès son plus jeune âge, Aurélia était très turbulente et ne dormait pas beaucoup. Elle a fait au moins deux fois l’école buissonnière à seulement 6 ans (en ressortant de l’école après que ma mère l’ait déposée). Quand elle n’obtenait pas ce qu’elle voulait, elle avait l’habitude de pousser des colères impressionnantes, brisant des objets, déchirant ses vêtements… Elle mentait régulièrement. Un soir d’hiver où je la gardais, j’ai fermé la porte de sa chambre à clef pour l’obliger à faire ses devoirs. Elle s’est alors déshabillée, mise en chemise de nuit, puis a sauté par la fenêtre et s’est roulée dans la neige. Ensuite, elle est allée sonner chez nos voisins en racontant que je l’avais mise dehors ! Elle pouvait se montrer pendant un certain temps exubérante, taquine, farceuse, parlant et bougeant sans arrêt, puis sans raison, changer tout à coup d’attitude, devenant pensive, taciturne, silencieuse et apathique, comme si un ressort s’était cassé en elle… A 8 ans, à l’annonce de la naissance de notre petite sœur Laure, son visage se figea et elle alla, sans rien dire, s’isoler dans les toilettes. Comme elle s’ éternisait et ne répondait pas, j’ai alerté mon père qui défonça la porte : nous l’avons découverte en train d’essayer de se pendre à un tuyau avec une cordelette (Grande frayeur). Avait-elle peur de ne plus être aimée ? A partir de 9 ans, elle a fait des fugues et a volé, à plusieurs reprises, de l’argent (des billets) à mes parents, ce qui amenait mon père à la corriger parfois sévèrement. Aurélia dit souvent qu’elle a été une enfant battue, mais je lui explique pourquoi (elle ne se rappelle pas de tous ces événements). Je me souviens qu’un jour, vers 14 ans, elle a frappé ma grand-mère avec violence, parce qu’elle avait changé de chaîne de télévision à la maison, en lui disant qu’elle n’était pas chez elle et n’avait aucun droit… L’année suivante, suite à une dispute avec ma mère, Aurélia s’enferma dans la salle de bain et avala des médicaments. Quelque temps plus tard, au cours d’une crise de colère, elle ira jusqu’à menacer ma mère avec un couteau…”.

Ces divers témoignages nous apportent donc des renseignements intéressants sur la présentation clinique de la bipolarité dans l’enfance.

Il est à noter que, pour trois des patients, des événements de vie stressants semblent avoir joué un rôle dans le déclenchement d’épisodes, comme cela peut s’observer à l’âge adulte : séparation des parents (Céline) ; naissance d’une sœur (Marion et Aurélia).

Si les tableaux cliniques brossés par nos témoins ne paraissent pas aussi complets que chez les adultes, ils comportent néanmoins, pour certains, des symptômes assez typiques, d’une part de la lignée dépressive, tels : “humeur sombre” (Marion, Corinne), perte d’envie, désintérêt, ne plus jouer, ne plus s’amuser (Marion), baisse de la créativité (Céline), souffrance morale, sentiment de nullité (Sébastien),  idées ou passages à l’acte suicidaires (Aurélia, Corinne, Sébastien)… ; et, d’autre part, de la lignée (hypo)maniaque : logorrhée, fuite des idées, distractibilité, dispersion (Christine), hypersexualité (Céline), faire le “clown” (Marion, Céline, Sébastien), irritabilité, voire “rage” (Sébastien) qui n’est pas rare dans la manie infantile. 

On retrouve chez plusieurs de nos patientes (notamment Marie-José, Corinne et Aurélia) des manifestations évocatrices d’un tempérament cyclothymique/hypersensitif, caractérisé chez les enfants par des variations importantes et brutales de l’humeur (sans causalité apparente), associées à une hypersensibilité affective et une  hyperréactivité émotionnelle, qui s’accompagnent souvent d’intolérance à la frustration, d’impulsivité et de colères. Or, ce tempérament est considéré comme un prédicteur sérieux de la bipolarité.

Tout permet de penser qu’Aurélia présente, en outre, un trouble des conduites (TDC), c’est-à-dire un trouble du comportement qui se traduit par des conduites agressives ou dyssociales graves (brutalité, destruction de biens, vols, mensonges répétés, école buissonnière et fugues… ). Ce trouble est connu pour représenter- tout comme le trouble oppositionnel avec provocation (TOP) et le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDA/H) – une comorbidité hautement associée au trouble bipolaire et un solide précurseur de ce dernier.

Il en serait de même pour certains troubles anxieux (anxiété de séparation, trouble anxieux généralisé, trouble panique), dont souffraient manifestement Céline et Corinne. 

Il est à signaler que les patients dont nous avons reproduit ici les témoignages portant sur leur enfance n’ont été diagnostiqués et pris en charge qu’à l’âge adulte, en dépit, pour trois d’entre eux de passages à l’acte suicidaire et pour cinq d’entre eux d’antécédents familiaux importants (parents ou grands-parents souffrant de trouble bipolaire).

Force est de constater que le trouble bipolaire pédiatrique est encore aujourd’hui insuffisamment diagnostiqué en France.

Malgré les controverses, devant des symptômes tels que ceux décrits par nos patients présents chez eux enfant, il ne faudra donc pas hésiter à évoquer le diagnostic de trouble bipolaire infantile, a fortiori lorsqu’il existe des antécédents familiaux de bipolarité.

En effet, un repérage précoce de cette maladie (ou de ses précurseurs) apparaît primordial, puisque dépend de celui-ci la prise en charge thérapeutique (curative ou préventive), sans laquelle le développement psychosocial et la scolarité de l’enfant pourraient se trouver gravement compromis. 

BIBLIOGRAPHIE

Vivre et comprendre les troubles bipolaires
J.P. Guichard
Éd. ELLIPSES 

Faire face au trouble bipolaire.
Guide à l’usage du patient et de ses aidants
A. Excoffier et J.P. Guichard
Éd. ELLIPSES

Les troubles bipolaires en 100 mots.
Mieux connaître la bipolarité
J.P. Guichard
Éd. ELLIPSES

Tout un poème par Lajen Érale

Sept heures du matin, déjà réveillé
Le voilà devant ma chambre à me demander
S’il peut venir squatter
Et c’est le début d’une longue journée!
Sur le lit, le gainage a commencé
Tout en racontant les rêves qu’il a fait
Et quels seront ses projets d’après
Et les cadeaux qu’il voudrait
Dans sept mois à peu près
Avec son anniversaire à fêter
Ou l’énième changement de métier
Celui qu’il choisirait
Dans quelques années
Et les questions par milliers
Pendant le petit déjeuner
Entre deux cachets à avaler…
Petite toilette vite fait
Trente secondes pour s’habiller
Et le vélo est déjà enfourché
Pour une petite randonnée,
Puis il rentre raconter
Que son VTT s’est transformé
En moto et les policiers,
Lui, il les a semé!
Imaginaire stimulé,
Dans sa tête en réalité,
Ça ne s’arrête jamais
Mais pas le temps d’y penser
Il y a des saltos à tester
Dans le trampo fatigué
Par ce gamin qui vient l’user!
Une petite pause méritée?
Et un dessin animé
Suivi d’un clip à regarder
Pour chanter et danser,
Faire le show, il connaît!
Tiens! Et s’il bricolait?
Colle, ciseaux, papier,
Marteau, planche à clouer
Même la peinture est déballée !
Et qui va ranger?
Pas lui, il doit se changer
Il a déjà trop chaud, ça y est!
L’armoire est vidée
Retour sur le vtt
Et le trampo juste après!
User le canapé?
Pas le temps il paraît!
Et s’il commence à s’ennuyer
Quand il fait les cent pas, à s’agacer,
Il faut vite trouver de quoi l’occuper,
Sinon, crise assurée!
Après de multiples activités
Avec cette énergie démesurée
Arrive la fin de la journée
Le programme passé
Nous est détaillé
Pendant le dîner…
Vingt heures, le voilà couché!
Vingt heures deux, dans les bras de Morphée
Et nous totalement vidés
Tant il nous a épuisé
C’est encore la télé
Qui ce soir va nous regarder!
TDAH ou hyperactivité
En plus de sa bipolarité
“C’est une mode” dit la société!
Mon petit gars, je vais vous le prêter
Et alors après,
On reparle, je vous promets,
De ce diagnostic et de ses idées
Que vous vous faites du sujet!
Alors, vous êtes prêt?
LaJen Érale

Cinéma : Les intranquilles

Bicycle coup de coeur !

Il est adulte, artiste peintre et souffre d’un trouble bipolaire. Ainsi planté le décor peut paraître assez typique voire attendu. Il l’est mais plutôt  qu’à la maladie et à sa prise en charge c’est bien à l’intrication de la vie familiale et de la bipolarité que ce film a décidé de s’intéresser.

Le titre est inspiré de celui du livre de Gérard Garouste « L’intranquille » lui-même peintre et souffrant d’un trouble bipolaire. Mais si le réalisateur, Joachim Lafosse, a décidé de le mettre au pluriel c’est bien pour nous raconter le quotidien de toute une famille confrontée à la maladie bipolaire. Ici la famille est vue comme une équipe ! Et ça, chez Bicycle, ça nous parle !
Ainsi dans la famille « Intranquille » il y a le père et le conjoint, Damien qui est aussi celui qui est atteint de bipolarité mais il y a aussi Leïla, la compagne et la mère, Amine, le fils et Patrick le père de Damien et le grand-père.
Toute la famille vit au rythme effréné de Damien, souffre et s’épuise.

Leïla vit dans l’angoisse de la prochaine crise tout en s’inquiétant pour la sécurité de son fils sans pour autant vouloir le séparer de son père…  L’équilibre est difficile à trouver tant Leïla est fatiguée par les ascenseurs émotionnels que lui fait traverser Damien. Pourtant à chaque fois « elle y croit » comme elle dit avant que Damien ne replonge… Malgré sa patience et son empathie exemplaire, elle finit elle aussi par craquer… La bipolarité demande de l’endurance, beaucoup d’endurance… On la voit devenir à son tour dysfonctionnelle alors qu’elle ne cherche qu’à préserver son fils. On assiste ainsi à une scène où elle pète littéralement un plomb en le traînant de force sous une douche froide…
Leïla, c’est nous, la mère ou le père aidant avec notre cyclokid.

Amine, le fils, est traversé par plusieurs émotions, il a parfois honte de ce père extravagant mais aussi très peur pour celui qu’il admire et qu’il aime tant. A plusieurs reprises on le sent submergé par beaucoup de tristesse mais aussi de la colère quand sa mère est tentée de lui donner un rôle qu’il ne devrait pas avoir notamment lorsqu’elle le prend à témoin de la bonne médicamentation  paternelle. Amine devient parfois le père de son père quand celui-ci perd le contrôle et fait preuve d’une maturité incroyable pour son âge. Il sait  lui aussi désarmorcer les crises et ne pas provoquer l’escalade comme dans cette scène où il imite avec beaucoup d’humour un délire de son père.
Cet enfant peut tout à fait nous faire penser au frère ou à la sœur aîné(e) ou cadet(te) qui accompagne notre cyclokid.

UEnfin Patrick, le grand-père aide les aidants directs, Leïla et Amine. Il temporise et représente une véritable bouée de secours  pour la famille. C’est celui sur lequel on peut toujours compter.
Patrick, c’est le grand-parent ou l’ami qui nous permet de souffler.

Et puis, bien sûr, il y a Damien, qui, en bon bipolaire, est terriblement « attachiant ». La phase du déni est particulièrement bien illustrée.
Beaucoup de familles de l’association la rencontrent, en particulier avec leurs adolescents, et pourront s’y reconnaître.
Ce film pose aussi la question de « jusqu’où peut-on aller par amour ? » et « jusqu’où faut-il aller par amour ? ».

Le risque bien sûr est de ne voir la personne souffrant de trouble bipolaire qu’à travers sa maladie alors qu’elle ne la définit pas et qu’elle ne représente qu’une petite partie d’elle. Garder sa juste place, celle de compagne, de fils, de père et non celle d’infirmier(e). Faire confiance malgré tout, accompagner sans faire « à la place de », responsabiliser, autonomiser pour redonner au malade le pouvoir de reprendre le contrôle sur son trouble et sur sa vie. Mais aussi savoir poser des limites et ne pas s’oublier soi-même. Ne pas tout vivre à travers la bipolarité.

La bipolarité est avant tout  une histoire de famille et d’amour…

Une belle leçon d’humanité. C’est ce que ce film décrit à merveille.